Voici les compte-rendus de nos réflexions communes. Petit rappel de courtoisie : vous pouvez les utiliser à condition de citer la source, c'est-à-dire : café philosophie à Saint-Lô, cafephilo-saintlo.jimdo.com

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Café philo du 14 décembre 2016 : bonheur, loisirs, travail

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Qu'est-ce que le bonheur dans une société de consommation et de loisirs? Dans une société qui ne distinguerait pas travail et loisir?
Certaines entreprises offrent un temps de loisir (à distinguer du repos) à leurs employés, loisirs qui deviennent même obligatoires, voir la relaxation par exemple aux USA ou au Japon. Mais l'employé n'est-il pas alors enfermé dans la sphère de l'entreprise, privé d'exercer son propre choix? Le burn out vient aussi du manque de distinction entre le monde du travail et la vie privée: loisir au travail et poursuite du travail chez soi; l'entreprise mobilise ainsi toutes les dimensions de la personne et non plus ses seules qualités professionnelles.
De plus, les loisirs proposés par l'entreprise ont pour but, finalement, d'améliorer l'efficacité des employés, leur "bien-être" étant alors la condition d'un meilleur rendement.

Le travail n'est-il donc pas en lui même épanouissant, contrairement aux loisirs? C'est ce que laisse entendre son origine étymologique: tripalium, instrument de torture. "Tu travailleras à la sueur de ton front", dit la Bible, à la suite du péché originel: coupé de son créateur, coupé de la nature, l'homme peinera à tirer de la terre sa subsistance.
Pourtant, le jardinage, par exemple, peut être épanouissant. Il peut même être considéré comme un loisir par certains, car il est la concrétisation dans la matière, d'une idée, d'un projet et procure donc une satisfaction. C'est une réalisation personnelle, à condition toutefois d'être libre. De même le management d'une entreprise par exemple. Il en est tout autrement si un "chef" impose sa volonté, met des limites, des contraintes ( voir les injonctions paradoxales faites à certains fonctionnaires, vidant leurs tâches de tout sens à leurs yeux). Le travail devient "malheureux" lorsqu'il n'est plus vraiment un travail libre mais un gagne-pain, une série de tâches à accomplir pour gagner de l'argent, lorsqu'on ne se retrouve pas dans ce que l'on fait, lorsqu'il n'a plus vraiment de sens; il est "malheureux" aussi lorsqu'il envahit le temps libre du choix personnel, "grignote" la vie privée.

Le progrès technique et maintenant technologique ne devrait-il pas pourtant éviter le travail pénible au profit d'une société de loisirs, plus heureuse? Une société où on ne distinguerait plus "travail"et "loisir" ne serait-elle pas une société idéale? Référence à la série Star Trek où le travail pourrait être fait à la fois pour son propre plaisir, et pour le plaisir des autres, manifestation d'altruisme (exemple, la préparation des repas).
Le loisir pourtant est associé à la consommation; la société crée sans cesse des nouveaux besoins qu'on se doit de satisfaire dans ses loisirs. Exemples: avoir un vélo de plus en plus performant, un super tapis de yoga, un coussin de méditation mieux adapté, se procurer la dernière invention technologique... Ces loisirs exigent d'avoir de l'argent donc un travail, fût-il un gagne-pain fastidieux voir asservissant, annihilant, qu'on accumule peut- être des heures supplémentaires... C'est un cercle vicieux.
Depuis la semaine de quatre jours et demi dans l'éducation nationale, les week-end et les loisirs sont devenus, pour les élèves, plus importants que le travail et ont pris le pas sur l'intérêt pour la classe. Le travail scolaire s'est trouvé lié à ces "contraintes" du week-end et des loisirs; la pédagogie en même temps a cédé du terrain à l'organisation de l'école et au fonctionnement de l'institution. L'enfant, pour apprendre, doit être "appâté"; l'apprentissage ne doit pas être désagréable afin de ne pas rebuter l'élève en difficulté (voir Céline Alvarez; l'école de Montessori).

Paradoxalement, notre société met l'accent sur le travail, alors que beaucoup sont au chômage. La notion de rendement maximal du taylorisme perdure, relayée par des personnes elles -mêmes asservies par ce système. L'exemple est pris d'un travail à vocation d'abord sociale qui se trouve pourtant soumis aux feuilles de route, à l'efficience, à la "rentabilité", à la spécialisation, ce qui le dénature totalement et peut aller jusqu'à "broyer"les employés. Cette forme d'aliénation des individus est d'autant plus ignorée que la personne occupant un poste devrait par là se considérer
comme "nantie", quand bien même son travail, morcelé, n'ayant plus de sens, est vécu comme dévalorisant.

Un véritable travail comporte au contraire une réflexion personnelle, une collaboration avec une équipe, une faculté d'adaptation, une répartition des tâches, une solidarité, voire une amitié, qui assurent l'intégration des personnes à la société. C'est une des conditions de satisfaction et de bonheur, que le seul souci de rendement ne parvient pas à assurer. Certaines entreprises, celle de Guy Degrenne a été évoquée, réussissent à maintenir ce climat favorable.

Dans une société où le travail manque (chômage), parce qu'il est pour une bonne part assuré par les machines, ne faudrait-il pas repenser sa répartition dans la société? N'est-il pas paradoxal de continuer à soumettre la considération sociale à l'emploi et à la rémunération qu'il permet d'obtenir?    Une autre organisation du travail, des loisirs et des revenus devrait être envisagée, d 'autant plus que l'emploi lié au rendement devient asservissant, comme l'est aussi le manque de travail. D'où la question peut-être d'un revenu universel?


Qu'aura-t-on appris au terme de notre vie? Les aborigènes ne sont-ils pas finalement plus heureux? Exemple de la rencontre d'un berger gardant ses moutons au Maroc: qui ,de ce berger et d'un touriste ou voyageur, aura le plus appris de cette rencontre? Comment découvre-t-on réellement le monde et en même temps sa propre intériorité? On peut se découvrir soi-même en restant assis sous un arbre, dit le bouddha (Paulo Coelho: "la légende personnelle"), mais aussi en utilisant au mieux nos capacités telles qu'elles sont (ex. personnes paralysées, Marthe Robin, couchée dans son lit), pour justement à la fois mieux se connaître et mieux agir. Un travail non épanouissant serait celui qui ne permettrait pas de nous connaître nous-mêmes.
C'est le cas évidemment du "travail" de toutes les personnes exploitées, dominées, adultes ou enfants (dans les mines par exemple), qui exclue de plus tout loisir, faute de temps et d'argent,  et même tout repos.

Référence à Hannah Arendt: entre le règne animal et le règne de l'homme, le genre humain est manipulé, supervisé par une minorité d' hommes contrôlant les autres humains. Quelle place alors pour le bonheur? L'homme reste libre de penser, libre d'imaginer. Rien n'existe qui ne soit issu de l'activité de penser, de la créativité. N'est-elle pas illusoire? Non en tout cas au niveau de l ' intériorité, de la méditation. Le travail sur soi rend de plus en plus libre. Voir Christophe André, psychiatre, ou Frédéric Lenoir qui prônent un temps de méditation dans l'éducation nationale (exemples en France ou au Canada). Impact essentiel du "souffle", "spiritus" en latin, "pneuma" en grec, sur le bien-être et la paix intérieure. Par ailleurs, Tobie Nathan préconise l'interprétation des rêves comme avertissements utiles à la vie quotidienne. Dans les loisirs ou le travail, le corps réagit toujours, et ces réactions questionnent notre vie intérieure, incitent à un retour sur soi qu'il faut accepter pour comprendre qui nous sommes, ce que nous voulons, ce que nous aimons.

Grande joie de découvrir qu'on a cette liberté de penser, découverte faite parfois lors de rencontres avec d'autres. Les liens humains sont indispensables à la vie (ex. des orphelinats en Roumanie où ce manque de liens est source de mortalité).
Mais les loisirs, comme le travail, ne peuvent-ils pas être aussi aliénés ( métro, boulot, dodo) et nuire à cette liberté de penser? Exemple du pouvoir de fascination de la télévision, vecteur de divertissement, peut-être infiltrée par certaines idéologies (ex. documentaire de Serge Moati). Les loisirs nous poussent vers l'exteriorité, les médias tenant le rôle sociologique de la religion, garants du vrai et du faux, du bien et du mal... Le débat politique, on le sait, est devenu un spectacle télévisuel.
Sommes-nous heureux sinon dans notre travail, du moins dans nos loisirs? Attendons-nous impatiemment le week-end pour vivre? Une enquête sociologique récente montre que les français se sentent plus libres, plus à l'aise, chez eux, dans la sphère privée, car ils ne font plus confiance
aux autres dans les domaines du politique, du travail, et des relations humaines... Notion d'individualisme, liée au profit. Le bonheur suppose de recréer ces liens, de reconstituer le corps politique ou social, de réinstaurer la confiance aux autres sans laquelle l'épanouissement de chacun est compromis. Vie intérieure et liens avec l' exteriorité, avec les autres,  sont indissolublement liés.

Café philo du 30 novembre 2016 : sommes-nous responsables ou victimes de notre déchéance morale ou physique?

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Quel sens donner à ce terme de "déchéance" ? Référence à la "déchéance de nationalité" discutée après les attentats: elle correspondrait à la perte de quelque chose qui nous est enlevé, à une expropriation. Exemple aussi de la déchéance ou dégradation militaire, humiliante.
Notion vaste qui peut concerner notre mode de vie, notre santé, notre vieillissement: "On ne s'amende pas en vieillissant" disent les normands.
Question existentielle remettant en cause notre propre vie considérée comme progression ou comme déclin, mais aussi notre société. N' y a-t-il pas historiquement des cycles apportant apogée et déclin malgré toutes les bonnes volontés? Ou bien, ne contribue-t-on pas, au niveau individuel, à l'avancement ou à la perte de notre société?

En quoi pouvons-nous être responsables de notre patrimoine génétique, ou de notre patrimoine culturel? Sommes-nous victimes ou responsables de nos maladies? Il reste à chacun de faire des choix dans son cheminement de vie, son rapport à sa famille, son alimentation,  la pratique d'un sport etc.,ce qui le rend responsable de sa santé. Le patrimoine génétique n'empêche pas d'être acteur de sa propre vie; il se conjugue avec l'impact de notre enfance, de notre éducation...sur notre devenir. L'exemple est pris de la différence entre les enfants d'une même fratrie, ayant pourtant reçu la même éducation...
Référence à l'épigénétique: transmission et expression des gènes modulables en fonction de nos choix et de notre environnement. D'où la prévention, largement diffusée dans notre société, pour intervenir, grâce aux connaissances scientifiques, sur le développement des phénomènes physiques ou psychologiques. Voir par ex.la consultation des psychologues.

L'éducation ne vise-t-elle pas à nous rendre capables de "gérer" notre propre vie? L'action sur nous-mêmes exige la conscience de ce qui est ou semble déterminé d'avance. Ainsi bute-t-on sur un problème aussi longtemps qu'il semble lié à une fatalité. Un événement peut nous pousser à changer notre point de vue, à prendre conscience de ce qui vient de nous et de ce qui vient de notre environnement. Exemple: perdre nos repères habituels, nous retrouver sur un terrain inconnu... Une allusion est faite à "l'uchronie" d' Eric Emmanuel Schmitt: que serait-il arrivé si par exemple, Hitler avait été reçu aux "beaux arts"? Impossible de répondre en l'absence justement de déterminisme historique.

Car notre vie n'est pas un simple enchaînement direct de causes et d'effets. Si chaque individu peut mettre en place des mesures pour "gérer"sa vie, alors pourquoi est-ce la "déchéance" pour certains et la "réussite"pour les autres? N' y-a-t-il pas une sorte d'injustice naturelle?
Mais qu'appelle-t-on "réussir" ou "ne pas réussir"? N'est-il pas possible de donner un sens à sa maladie, tandis qu'on peut mener une vie dénuée de sens tout en étant en bonne santé? C'est l'immobilisation due à une maladie, à une blessure, qui a poussé certains religieux par exemple, à réfléchir, à méditer et à changer l'orientation de leur vie. Au delà de ses aspects négatifs, la maladie (ex. l'Alzheimer) peut faire ressortir des sentiments jusque là enfouis, comme la douceur, le souci de l'autre, l'humilité.

Le matérialisme ambiant associe facilement argent et réussite (avoir une montre Rolex par ex.). Le bien spirituel a pourtant été davantage valorisé à d'autres époques, ou dans d'autres cultures, où les gens parviennent à vivre heureux dans des conditions très précaires, dont ils ne semblent pas trop se soucier. Exemple : ce qui est décrit par soeur Emmanuelle vivant dans les bidonvilles du Caire. La "déchéance"ne serait-elle pas liée justement à notre recherche excessive de bien-être, à notre accumulation de richesses, laissant échapper quelque chose de plus essentiel?

Référence au bouddhisme et au Dalai lama, pour qui il n'y a pas de notion d'"estime de Soi", dont le manque crée un sentiment de "déchéance". Notre culture ne nous incite-t-elle pas à nous centrer
sur cet"ego"( selfie...),contribuant ainsi à sa propre fragilité?
Selon le bouddhisme l'être humain est fondamentalement bon;il l'est aussi selon le christianisme, mais sa liberté le pousse à vouloir être Dieu à la place de Dieu, ce qui constitue le "péché originel". L' être humain veut maîtriser sa propre vie et pourquoi pas sa mort ou son immortalité. La technique contemporaine en permet le projet. Voir le transhumanisme (Google, Microsoft, Amazon par exemple), qui envisage la création d'une humanité connectée, entièrement "fabriquée" grâce aux nouvelles technologies, réparable au fur et à mesure de ses défaillances. Projet ou fantasme?
Pouvons-nous être entièrement libres de notre existence, libérés de tout destin, de tout déterminisme -y compris de celui qui nous assujettit aux maladies, à la souffrance, à la mort etc.? Faut-il admettre ce principe: je veux donc je suis? L'ego est-il la référence telle qu'on peut en manquer ou peut-être en avoir trop?

Ne faut-il pas accepter de ne pas tout maîtriser, de ne pas être Dieu, de s'en remettre parfois à "quelque chose", ce qui est source de soulagement et de paix? Pouvoir "réinventer" sa vie bien au-delà de ces notions de "responsabilité" ou de "victimisation" uniquement centrées sur une appréciation de son propre ego. Personne ne se résume à une "étiquette" qui le caractériserait et à laquelle il devrait correspondre pour lui-même et pour les autres.
La maîtrise technique atteint aussi des limites dans les effets destructeurs qui apparaissent, comme la pollution. La situation paraît même alarmante: il faut sauver "notre maison commune", dit le pape François. Serait-ce le déclin de notre société, l'épuisement d'un système qui arrive à son terme? La prise de conscience est là aussi une condition pour que s'exerce la responsabilité humaine, décentrée de ses intérêts égoïstes immédiats au profit d'un bien supérieur.

En décalage avec l'exigence sociale de tout maîtriser, "d'aller bien", d'être dynamique etc.,certaines faiblesses, ou même certaines aspirations individuelles, arrivent à créer un sentiment de malaise, de culpabilité, voire de "déchéance" parfois très difficile à surmonter. La possibilité du suicide a alors été analysée comme un geste où l'on ne sait plus si on agit ou si on subit, étant dans un état quasi hypnotique. Les signes de ce malaise ne sont pas nécessairement visibles au regard des autres, un introverti par exemple, pouvant aller bien et un extraverti aller mal, bien qu'il "donne le change". Surmonter ce sentiment de "déchéance" permet d'aller au fond de soi-même et de changer son regard sur les autres.
Y a-t-il moins de suicide dans des sociétés exerçant moins de pression sur les individus (tibétains, africains...)? Peut-être la peur de la "déchéance" est-elle plus forte chez les nantis matériellement,  ex. "déchéance" de perdre son emploi, de devenir alcoolique, de perdre son argent au jeu..., jusqu'à la honte de ne plus appartenir à la société, de ne plus même être un être humain, jusqu'à se rejeter soi-même?
Cette honte peut survenir alors même que nous n'avons rien à nous reprocher. Est-elle renvoyée par le regard des autres? Ou par notre interprétation du regard des autres? L'exemple est évoqué des personnes qui vont, ou ne veulent pas aller au "resto du coeur".Dépasser cette peur c'est faire le deuil de la personne que nous étions avant, pour apprivoiser ce que nous sommes devenus, c'est se remettre en question. "Si tu ne peux pas changer le monde, change la semelle de tes chaussures"(proverbe oriental).

Référence à  Épictète, stoïcien: "ce qui dépend de nous", c'est notre représentation de ce qui est un événement heureux ou malheureux. Savons-nous vraiment ce qui nous fait porter ce jugement? Avons-nous réfléchi à ce que sont le bonheur et le malheur? Changer donc "nos représentations" plutôt que l'ordre du monde, ce qui est de toute façon impossible. D'où la capacité de "faire basculer le malheur en bonheur de l'avoir surmonté".

Matthieu Ricard: "Quand on croise quelqu'un, on peut se dire qu'il a croisé l'enfer plusieurs fois dans sa vie"et mérite donc notre compassion. "Aime ton prochain comme toi-même" suppose qu'on s'aime d'abord soi-même, puisque c'est son propre regard sur soi que l'on projette sur les autres. La bienveillance que chacun attend de l'autre (y compris au café philo) commence par soi-
même. Chaque expérience permet un approfondissement de la pensée, qu'il est intéressant de partager. Bienveillance aussi à l'égard de notre monde "en déclin". Certes la barbarie existe, la bombe atomique..., peut- être notre société va-t-elle à sa perte. Mais en même temps, notre inconscient garde les mythes fondamentaux des grandes civilisations perdues, comme l'Arche de Noë, l'Atlantide... Même technologiquement évoluée, toute civilisation disparaît; aller trop loin dans un système finit par le détruire, la pensée finissant par dysfonctionner. Image de Chronos dévorant ses propres enfants. Notre civilisation trouvera-t-elle les moyens de se dépasser?

Café du 9 novembre 2016 : droit de vote et démocratie

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Cette rencontre a lieu le lendemain de l'élection présidentielle aux États-Unis; Donald Trump vient d'être élu. Dans les médias, les analyses donnent la répartition du nombre de voix selon les régions,  les milieux sociaux, le niveau d'éducation des citoyens. Selon un article de "Libération" les électeurs de Trump seraient moins éduqués... Y aurait-il un "bon" vote et un "mauvais" vote? Pourquoi les journalistes ont-ils été déçus ou choqués de ce résultat, peut-être non "politiquement correct"?
La valeur d'une voix dépend-elle de l'éducation ou de la culture des personnes, celle des personnes dites d'un niveau culturel supérieur étant plus "valable" malgré l'égalité de droit?
Ne voterait-on plus "pour" mais "contre" quelqu'un ou contre un système qui ne serait plus démocratique, bloqué justement par les "élites", par ceux qui exercent les différents pouvoirs?

De quelle éducation s'agit-il?
A-t-on besoin d'être éduqué pour avoir du bon sens, de l'empathie, de l'altruisme, pour s'organiser socialement avec honnêteté et bonne volonté? Tous les hommes, en démocratie (le gouvernement du peuple par lui-même), sont égaux en droit, malgré les inégalités naturelles ou sociales. Faudrait-il remettre en cause cette égalité au nom d'un degré exigé d'éducation ou de culture, le vote du peuple devenant trop "simpliste" face à la complexité des problèmes? Pourquoi ne pas instaurer alors un "permis de voter"? Mais comment discerner la "bonne" éducation qui éviterait toute dérive? 
Bon nombre de dictatures ne fonctionnaient-elles pas grâce à des gens très cultivés, les nazis par exemple, grands amateurs d'art ou de science? Le vote dit "populiste" est préconisé, à droite et à gauche, par des intellectuels ayant fait des études supérieures.
Si quelques intellectuels "compétents", si une élite, savent ce qu'il faut faire et ce qui, au contraire,  peut être dangereux ( par exemple le protectionisme), alors pourquoi demander au peuple de voter? Ne serait-il pas préférable de laisser quelques spécialistes, quelques "technocrates" décider, au lieu de laisser s'exprimer le peuple dépassé par la complexité des problèmes?

Ce sont précisément ces "élites" et cette "complexité" que le peuple semble rejeter car elles ne laissent plus s'exprimer les autres formes de pensée,  de sensibilité, de centres d'intérêt. La vie démocratique suppose une diversité d'opinions et la liberté de les exprimer. Elle suppose aussi que ne soient pas trop flagrantes les injustices et les inégalités sociales.
Certes, la démocratie exige-elle une "éducation civique", inculquant que le vote est un droit mais aussi un devoir puisque chaque citoyen se doit d'élire un "représentant". Ce choix suppose, pour être démocratique, que l'électeur et l'élu agissent en fonction de l'intérêt commun, qui n'est pas la somme des intérêts particuliers, et non pas seulement pour lui même.
C'est pourquoi Platon préconisait que chaque citoyen ayant reçu, par la Cité, une éducation lui permettant de discerner ce "bien commun" devrait accepter, en échange, de gouverner cette Cité pendant un temps - comme un service rendu- si le tirage au sort le désignait. 
La démocratie, dans la Grèce antique, excluait tous ceux qui n'avaient pas "droit de Cité" comme les femmes, les esclaves, certaines catégories sociales...
Dans nos démocraties contemporaines le peuple est-il capable de discerner cet "intérêt commun", la notion de "bien commun" étant très peu voire pas du tout utilisée? Si la société assure à chacun une "éducation civique", pourquoi ne pourrions-nous pas aussi envisager un tirage au sort plutôt que des élections?
Chacun est doué de "bon sens", selon Descartes, "bon sens" étant synonyme pour lui de "raison": tout homme est doué de raison, donc en ce sens "raisonnable". Faute de ce "sens commun", comment les hommes pourraient-ils s'entendre entr'eux, ou même discuter, dialoguer, se mettre d'accord? Certes, cette capacité de raisonner doit "s'exercer", se donner une méthode, mais elle assure à chacun la liberté d'agir en connaissance de cause et de réfléchir au-delà de ses intérêts particuliers immédiats.
Si les êtres humains ne sont pas capables de suivre la raison-s'ils sont "bêtes"-, et incapables
d'agir pour le bien commun-s'ils sont "méchants"-, comme le pensait Machiavel, alors la vie en société exige qu'un État fort les contraigne à agir selon l'intérêt commun... Ruse, cynisme, manipulations,  mensonges etc. sont alors nécessaires à l'action politique.
Mais ce principe est contraire à celui de la démocratie pour laquelle les hommes obéissent aux lois qu'ils se sont eux-mêmes données par l'intermédiaire de leurs représentants. Le problème de notre démocratie est le manque de représentativité des élus, en lesquels, donc, les électeurs ne se reconnaissent plus.
Le manque de représentativité va de pair avec le manque de confiance, le décalage entre les valeurs démocratiques prônées et la réalité vécue des citoyens. Par exemple, au niveau de l'écologie, il existe un décalage entre les principes énoncés et les règlements ou lois adoptés: vouloir soutenir l'agriculture biologique et faire payer des taxes importante à ces agriculteurs; ou bien, supprimer du personnel dans la fonction publique pour des raisons budgétaires...

Le refus de voter peut apparaître alors comme un refus de se rendre complice d'un semblant de démocratie, d'une "mascarade" où il devient impossible de lutter contre les rouages mis en place par certains pour bloquer le pouvoir, et contre les pouvoirs financiers liés à la mondialisation. Que reste-t-il face à ces pouvoirs financiers, du pouvoir réel du politique?

La mondialisation pourrait ne pas être uniquement liée à l'argent, mais à l'interconnexion des peuples jusque là dispersés sur le globe. Le développement technique, libérant les hommes des dures tâches matérielles pourrait favoriser le développement de l'esprit humain, créant une humanité plus spirituelle et plus libre, comme le pensait Teilhard de Chardin. Mais au contraire, les hommes ne se sont-ils pas davantage soumis à ce monde matériel? Ce ne sont plus la pensée ni la science qui dominent, mais bien la technique qui domine la pensée. Cet impérialisme mental s'observe par exemple dans l'usage d'objets techniques qui ont été imposés et sont devenus indispensables à la vie sociale, comme les téléphones portables et les ordinateurs, sans que jamais le peuple n'ait été consulté. Les individus qui ne les maîtrisent pas ou ne souhaitent pas les utiliser peuvent être rejetés du monde du travail (exemple: absence d'adresse mail), voire de la société, et ce malgré la bienveillance individuelle des proches ou même la bienveillance affichée du système. Voir les films "La loi du marché" ou " Moi, Daniel Blake".

L' usage des technologies de communication et des réseaux sociaux favorise-t-il la démocratie? La réponse dépend aussi de la responsabilité de chacun: que veut-on communiquer et comment? Elle dépend de la liberté de résister aux opinions de "bas étage", d'éviter de colporter des "ragots", des jugements infondés qui desservent la démocratie; ce qui relève du questionnement philosophique.
Cependant, la libération de la parole ne l'a-t-elle pas rendue, finalement, banale, impuissante? L'échange de paroles n'est-il pas en réalité un jeu de pouvoirs, tout étant décidé d'avance? Dans certains pays, comme le Danemark, le peuple fait confiance à ceux qui le gouvernent. Comment restituer cette confiance en France? Pouvoir révoquer les élus qui ne respectent pas leurs engagements? Supprimer les privilèges encore monarchiques liés aux différents pouvoirs? Dénoncer les "corruptions" liées aux intérêts économiques de certaines entreprises?

Le droit de vote n'a de sens que si les hommes politiques peuvent et doivent rendre des comptes aux citoyens, le langage politique devenant plus simple, contrairement à la "langue de bois", démotivante. La démocratie reste le "moins mauvais" des régimes, préservant la liberté qui demeure et que nous devons accroître. C'est un fil directeur, impliquant la formation au respect de l'autre, de l' humain, permettant la bonne entente entre les hommes, jamais définitivement acquise puisqu'il s'agit d'un pouvoir à construire, à partager. Confisqué par un homme, un clan, un groupe, le pouvoir se transforme en dictature plus ou moins avouée, ou masquée par un semblant de partage et de "complexité". Les modes de fonctionnement de la démocratie, la répartition des pouvoirs, varient d'un pays à l'autre; mais restreindre le droit de vote expose au totalitarisme.
Il existe un danger de dérives des opinions, racistes ou xénophobes par exemple; mais un danger aussi d'un grand "establishment" bien pensant -dont font partie les médias- qui semble décider à la place du peuple ce qui est "bien"ou"mal", excluant certaines valeurs et certaines populations qui se sentent donc méprisées, dénonçant ce qui est obscurément taxé de "populisme". D'où le rôle joué alors par les réseaux sociaux.
Plutôt qu'une utopie, la démocratie apparaît comme un mode de vie acceptant réellement de débattre au lieu de tout cadrer dans des institutions, qui finissent par bloquer les initiatives des citoyens.

Café du 12 octobre 2016 : l'altruisme a-t-il pour limite l'égocentrisme ?

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Premier café philo de l'année scolaire. Rappel de la finalité de ces discussions: mettre en oeuvre le questionnement philosophique, initié sur la place publique par Socrate; le jeu des questions et des réponses permet d'essayer de dépasser les préjugés et d'avancer vers une pensée plus libre.

 

Parmi plusieurs questions proposées, parfois voisines, lors de cette  rencontre, l'une est retenue: "l'altruisme a-t-il pour limite l'égocentrisme? "
Chacun est obligatoirement centré sur soi ( ego/ centrum), puisque c'est lui qui vit, lui qui pense...
Chacun est unique, singulier, comme en témoignent par exemple les empreintes digitales. Mais l'égocentrisme signifie plus que notre simple individualité, il a déjà une connotation morale même s'il ne s'assimile pas à l'égoïsme, attitude plus réfléchie et calculée de celui (individu ou groupe) qui ne pense et n'agit que selon son propre intérêt. Chacun n'a-t-il pas spontanément tendance à se faire le centre du monde, à tout ramener à lui, incapable de se placer dans une autre perspective que la sienne, de s'intéresser aux autres même s'ils ne servent pas ses propres intérêts?
Pourtant, chacun vit dans un rapport d'altérité avec son "semblable", un "autre" que soi. Comment agir pour le bien de cet autre plutôt que de rester centré sur soi-même? Peut-on aider quelqu'un de différent, qu'on ne comprend peut-être pas? Qui est d'ailleurs ce "semblable"? Je suppose qu'il me ressemble mais je ne peux pas me "mettre dans sa peau". Y-a-t-il un sentiment naturel qui me pousse vers les autres ou un devoir qui m'oblige à agir selon leurs intérêts?
Certes, sont prônées les valeurs de "fraternité",de "l'amour des autres", de "bienveillance". Mais comment réagit-on dans notre société? L'exemple est pris des "réfugiés" qu'une volonté altruiste tente d'aider, tandis qu'ils sont rejetés par certains, individus ou municipalités, au nom parfois d'une incapacité à aider déjà les plus proches, les SDF... de leur propre ville. On ne peut, certes, donner ce qu'on n'a pas mais penser qu'on n'a rien n'est-ce pas se donner un bon prétexte pour ne rien faire? Il existe en réalité de multiples formes de dons, en dehors du point de vue financier: participer à l'apprentissage du français, s'engager dans une association, donner une aide, du temps, "donner de
sa personne", donner même un simple sourire... La légende du colibri est utilisée par Pierre Rabhi pour montrer que chacun peut aider en fonction de ses capacités, si minimes soient-elles: face au feu de forêt, la petite goutte d'eau apportée par ce minuscule oiseau est déjà quelque chose, car chaque aide converge vers une aide collective efficace. "La convergence des consciences" démultiplie la portée des actions.
Donner et recevoir sont à la base de toute communication et de toute société. Chacun n'a-t-il pas reçu des autres sa propre vie? La capacité à être relié à autrui permet de créer une "intelligence collective" par laquelle chacun dépasse sa propre individualité. C'est ce que proclament par exemple le Dalai Lama ou Mathieu Ricard. Le repli sur soi, au contraire, nuit à l'épanouissement de la personne et de la société, menacées d'étouffement et de sclérose. L' altruisme apparaît alors comme une nécessité.
La société ne doit pas toutefois culpabiliser l'individu mais doit aider ses membres sans attendre que chacun donne. A cet égard la notion de partage est apparue essentielle: partager toutes les richesses de la planète constituerait un monde d' entr'aide.
Au contraire de cette société de partage, le pape François dénonce une "société du déchet" basée sur la surconsommation et le gaspillage, engendrant l'injustice et les inégalités sociales puisque quelques uns s'approprient les biens de la terre. On en arrive à passer sur le trottoir devant des gens démunis de tout et sales sans même y prêter attention ou en se détournant de ces "déchets humains".
"L'écologie intégrale" englobe la sauvegarde de l'équilibre de la nature et celle de la justice, durespect de la nature humaine et du bien commun; c'est la responsabilité humaine qui
est engagée.
Cette injustice n'existe-t-elle pas depuis la guerre du feu? Rousseau considère l'apparition
de la propriété privée comme l'origine des inégalités sociales. Celui qui entoure un terrain
d'une clôture en proclamant: "ceci est à moi" commence à confisquer un bien et à exclure
autrui. Le don des biens sera alors coûteux pour leurs propriétaires, contrairement au
partage.
Ces inégalités sont-elles équivalentes dans toutes les sociétés? Certaines ne permettent-
elles pas à chacun de "s'en sortir" plus facilement tandis que d'autres sont plus morcelées,
chacun se repliant sur lui-même, contraint de lutter contre l'étroitesse des impératifs
sociaux et financiers égoïstes et autocentrés? La société française actuelle appartiendrait
à cette deuxième catégorie, tout étant bloqué par une génération qui ne veut plus rien
céder. Les pays de l' Europe de l'Est seraient plus généreux à l'égard des jeunes
générations, soucieux de leur permettre un meilleur épanouissement. Certains pays
parviennent-ils à faire disparaître la pauvreté ou bien camouflent-ils les pauvres ( par
exemple la Chine)?
Mais n'avons-nous pas la liberté individuelle de nous exprimer, d'essayer de comprendre
les autres au lieu de les écarter? A moins que nous ne soyons conditionnés, formatés
voire endoctrinés et manipulés par notre éducation au profit, à la compétition, à la
consommation? Peut - on renouer des relations humaines dans cette société "du paraître",
continuer à penser face au blocage des "nantis" ( en faisons-nous partie ?), enfermés
dans une "complexité" tellement contraignante qu'elle exige elle-même d'être détournée,
engendrant la méfiance? L'écoute des médias peut faire naître, de plus, un sentiment
d'impuissance face à cette course aux profits; quelle place reste-il à la vie intérieure, voire
même à la réflexion?
Selon Pierre Rabhi, l'individualisme est lié au salariat et le besoin de l'autre apparaît dans
le manque; lors d'une panne d'électricité, par exemple, on va demander l'aide du voisin.
N'est-il pas naturel de demander de l'aide aux autres et de désirer rendre service s'il nous
le demande?
Ainsi apparaissent des mouvements de solidarité (face aux attentats par ex.), témoignant
d'une "sympathie" ou "compassion" (étymologiquement: ressentir avec l'autre), par
laquelle nous nous rapprochons de lui. Il existe une capacité à aller au delà de soi-même.
Chacun, d'ailleurs, porte en lui une part d'altérité d'étrangeté par laquelle il reste inconnu à
lui-même. D'où la capacité des psychologues ou des thérapeutes à nous montrer sur
nous-mêmes des choses que nous ignorions. Chacun est un"autre" pour ses proches et
pour lui-même; et chacun a besoin de l'autre.
Nous avons besoin, explique Sartre, du regard des autres pour exister, de leur
reconnaissance; et en même temps ce regard nous juge, nous fige, nous "colle des
étiquettes" et donc porte atteinte à notre liberté. D'où l'expression "l'enfer c'est les autres"
(Huis-clos), chacun étant un bourreau pour les autres. Jusqu'où va notre capacité à
supporter le regard de l'autre, voire son agressivité?
Face à l'agressivité d'autrui, est-il encore possible de l'aider? Que signifie alors
l'altruisme?
L'indifférence peut être considérée comme une protection, un rempart pour notre propre
conservation, pour la sauvegarde de notre ego; la relation aux autres n'existe plus alors
que comme moteur nécessaire à notre propre vie.
Cet ego sur lequel chacun est centré est aussi un masque social. Se replier sur soi ne
résulte-t-il pas de déceptions, de désillusions, de la peur aussi de cette menace que
constitue la présence de l'autre, d'autant plus qu'il nous est inconnu? L'égocentrisme decertains, y compris les "bien-pensants", décourage parfois de suivre les tendances ou
initiatives altruistes qui se manifestent (exemples de reportages, d'expositions de photos
sur les réfugiés). Peut-être même des formes de misanthropie et d'agressivité naissent-
elles face à ceux qui pratiquent l'exclusion ou tirent profit de la détresse des autres.
L’ altruisme a-t-il pour limite notre égocentrisme et celui des autres sur lesquels il serait
inexorablement condamné à buter? Ne sommes-nous pas plutôt bien autre chose que cet
ego sur lequel nous nous centrons d'autant plus que nous nous sentons fragilisés,
menacés, amenés à nous remettre en question face aux jugements et aux regards des
autres, différents de nous? Tourné vers la vie sociale, vers l'extériorité, l'ego constitue en
ce sens un obstacle à la pensée, à la vie intérieure, très peu sollicitée.
L'obstacle à l'altruisme serait davantage le mal être avec soi-même, car il faut d'abord être
bien avec soi pour être libre pour les autres. L'épanouissement personnel se situe dans la
relation à l'autre et non dans le repli sur soi engendré par la méfiance et le désir excessif
de possession, contraire au partage des biens de la terre et, finalement, destructeur. Des
mises en oeuvre de ces partages sont présents dans notre société. Ont été donnés
comme exemples des initiatives écologiques (voir le film "Demain"), le développement au
niveau individuel de nouvelles formes d'agriculture biologique respectueuses de
l'environnement naturel et humain, des associations fondées sur le principe des
échanges... L' altruisme ne serait-il pas favorisé par une "sobriété heureuse", selon
l'expression de Pierre Rabhi?
Cafephilo-saintlo.jimdo.com


Café du 27 avril 2016 : le rôle de l'art dans l'éducation

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Un précédent café philo s'était posé la question: "qu'est-ce qu'une oeuvre d'art?" En latin, le terme "educatio" signifie "élevage", puis le fait d' élever un enfant, son esprit, de le "former". Cette notion rejoint en ce sens la "culture" aux deux sens du terme (agriculture et esprit cultivé). L'éducation se distingue donc de l' instruction, et du dressage. Une autre étymologie est suggérée: ex ducare, qui signifie "conduire à l'extérieur", guider. Le mot grec "pédagogie" signifie "accompagner l'élève", développer par l'exercice l'ensemble des aptitudes physiques, intellectuelles, morales...de l'enfant.

Pourquoi cherche-t-on, à l'école, à développer l'esprit artistique dès la maternelle? Que se passe -t-il ensuite? La créativité, l' intuition, ne sont-elles pas abandonnées au profit de la conformité à différents apprentissages, à des "programmes scolaires"? L'art serait-il une "option", notamment pour les élèves en difficulté dans le système scolaire? Un moyen de "réinsertion" sociale? Et pourquoi?

Mais s'agit-il alors vraiment de l'art? L'art est présenté comme un rapport d'excellence en lien avec un "maître", amenant à se dépasser, à sortir des limites de la vie ordinaire. Or l'école ne se livre-t-elle pas à l'apprentissage de techniques artistiques, n'enseigne-t-elle pas l'histoire de l'art ( les artistes, leurs oeuvres...) plutôt que de participer réellement à la création d'oeuvres d'art? Cette découverte du monde de l'art, visite de musées, spectacles de théâtre, de danse, concerts etc. est toutefois nécessaire au projet de création, même si l'art ne se réduit pas à la technique artistique. Il faut maîtriser la technique avant de pouvoir créer, et les grands artistes, on le sait, passent beaucoup de temps à travailler leur technique avant d'exceller dans leur art (musique, danse, arts plastiques etc.). Cette distinction s'est imposée au 18 ème siècle lorsque l'artiste s'est différencié de l'artisan.
Une démarche proposée aux enfants pour visiter les musées autrement: tenter de reproduire les tableaux, qui sont alors envisagés très différemment. Mais envisage-t-on l'art avant cinq ou six ans de la même manière qu'après une prise de conscience plus prononcée de sa propre individualité? Car nous regardons une oeuvre avec notre "ego"; il ne s'agit donc pas d'instruction mais bien de formation de l'esprit.
Référence à la sensibilisation qui peut être faite à la musique dès le monde intra utérin ( importance de certaines fréquences; bandes passantes, en hertz aigus et graves). Exemple: "Le bébé est une personne", de Martino. Une sorte de "conditionnement" serait ainsi effectué selon les conditions de cette vie in utero, heureuse ou malheureuse (femme battue...).

L'art permet de réaliser des connexions qui ne se font pas en mathématiques par exemple car il sollicite d'autres parties du cerveau. D'où son utilisation pour surmonter certains handicaps, physiquement ou psychiquement. Exemple d'un enfant à qui le théâtre a permis la rééducation d'un problème neurologique de connexion entre ce qu'il voyait au tableau et ce qu'il voulait écrire: la pratique, orale, du théâtre l'a fait passer par une autre étape. Exprimant les émotions autrement ("se mettre dans la peau d'un personnage"), le théâtre valorise des enfants en grande difficulté, schizophrénes par exemple, les aide à acquérir une meilleure estime de soi, à prendre la parole, à agir en lien avec les autres, à utiliser différemment le corps et l'espace etc.. Il en est de même pour les arts du cirque. La pratique d'un instrument de musique augmente la capacité d'attention et facilite ainsi la concentration. Ainsi le discours sur l'art et l'éducation débouche-t-il sur les neurosciences. Tandis que l'apprentissage scolaire sollicite la partie gauche du cerveau (l'intelligence), l'art sollicite davantage la partie droite, l' émotionnel.
Dès lors ne serait-il pas nécessaire pour tout enfant de développer cette partie du cerveau? Mais la créativité, présente dans l'art et déjà dans le jeu, rentre difficilement dans le cadre plus rigide de notre système scolaire. Rien toutefois n'est totalement figé. Pas même dans la "localisation" des zones du cerveau, qui peuvent opérer des migrations dans les tâches qui leur sont dévolues (ex. de la dyspraxie, de la dyslexie...). Référence à l'ouvrage de Glenn Doman: "J' apprends à lire à mon bébé".

Est apparue l'importance de l'émotion dans l'art: l'art apprend à reconnaître les émotions et à les écouter, contrairement à d'autres apprentissages. La création ou la contemplation d'une oeuvre laissent le temps de la ressentir; elle ne s'échappe pas sous la pression de l'activité immédiate. Cette émotion est liée à une rencontre et développe l'empathie. L'art abstrait par exemple, art conceptuel, ne suscite pas nécessairement d'émotion au départ ( ex. carré blanc sur fond blanc...) mais a besoin d'une rencontre avec l'artiste pour être "compris". Une photo d'art n'est jamais celle qu'on veut prendre, mais cette démarche développe l'émotion. L'art inclut une transmission de l'émotion, une transmission de l'inspiration contenue dans l'oeuvre qui a quelque chose d'original à "dire". En ce sens, il "élève" l'esprit, le sort de la banalité de la perception habituelle, peut bousculer les codes et surprendre, ouvrir à une autre vision des choses ou stimuler l'esprit critique...
L'art laisse une liberté d'interprétation des oeuvres, laisse place à l'imagination en même temps qu' à l'émotion d'où la notion de plaisir; passer de l'émotion à la couleur, du son à l'émotion... Exemple d'une fête d'école, où les enfants jouent tous ensemble du tambourin, début d'une initiation à la musique, à l'expression corporelle, à la danse..., exemple d'une pièce de théâtre jouée par toute une classe. Plaisir de créer, de voir des choses belles, qu'on ne retrouve pas dans l'apprentissage d'autres disciplines. Peut-être d'ailleurs, faudrait-il rentrer dans ce plaisir de faire les choses, même dans d'autres apprentissages. L'écriture, par exemple, peut inclure la beauté du geste.
Ce plaisir est lié en même temps à la satisfaction de la création, à l'expression de la sensibilité, à la communication avec autrui lorsque celle-ci peut avoir lieu (exemple des vernissages, au lycée Le Verrier, qui allient arts plastiques et musique). Inversement, l'absence de perception par l'autre de la qualité d'une "création", un dessin par exemple, crée une déception.
D'où la question de l'universalité de la beauté, si les mêmes choses ne sont pas perçues "belles" par tous.
S'agit-il d'un manque d'éducation à l'art -car la perception de l'art exige elle-même une éducation?
Suffit-il de s'exprimer, d'exprimer des émotions pour créer une oeuvre d'art (exemples des dessins ou objets produits par des malades dans un hôpital psychiatrique)?

L'art dépasse le clivage des cultures: il est possible d'accéder à des oeuvres cubaines, russes, japonaises, polynésiennes etc. et il faudrait garder cet universalisme de l'art, qui éveille la curiosité et constitue une formation à l'ouverture d'esprit ( s'intéresser aux percussions de Strasbourg, par exemple, puis à d'autres formes de percussions). Jusqu'où aller toutefois? Tous les arts se valent-ils? Et n'existe-t-il pas malgré tout des barrières culturelles?
L'art en démocratie est pluriel et apprend de ce fait la tolérance et "l' humanité". Les dictatures, au contraire, sélectionnent les formes d'art, les utilisent pour manipuler les foules, renforcer leur propagande comme l'ont fait Hitler, par exemple, avec la musique de Wagner et les nazis, très amateurs d'oeuvres d'art et cultivés…
L'art n'est pas neutre mais les critères de référence peuvent être échangés ou changés. C'est pourquoi il permet d'échapper aussi à la dictature et peut être subversif; il n'y a pas d'art d'Etat. Les tags ont été reconnus comme des formes d'art; la volonté politique reconnaît l'intérêt de créer de nouveaux objets, de développer l'imagination et donc d'étendre le champ des propositions, car chaque personne n'est pas nécessairement sensible à toutes les formes d'art (ex. opera, théâtre jugé trop proche de la réalité et donc plus imitatif que créatif, ou simple parodie de cette réalité...). Jack Lang avait souhaité que chaque enfant face l'expérience d'au moins une forme artistique dans sa scolarité, avec un spécialiste ou un professionnel en plus de l'enseignant. Certes l'art est-il "gratuit", doué d'une portée symbolique qui lui donne sens et peut donner sens à la vie au-delà de tout intérêt matériel. Mais l'art peut aussi être mis en rapport avec le monde économique. Les entreprises par exemple doivent donner un pourcentage en faveur de la création artistique.
Quel intérêt l'Etat a-t-il à donner des subventions pour un art qui peut être subversif? Ce sont souvent les politiques qui choisissent les artistes et répartissent les crédits selon leurs choix; le Centre Pompidou, la Pyramide du Louvre, les colonnes de Buren au coeur du Palais royal à Paris... ont été mal compris et souvent mal reçus par la population, car ces oeuvres constituaient une rupture par rapport à l'architecture classique.
L'espace Vuitton, d'architecture exceptionnelle et révolutionnaire, remarquable scientifiquement, manifeste la puissance de l'empire économique de Bernard Arnault. Paradoxalement, l'art est devenu aussi un enjeu financier. Mais son lien avec la culture et la société en fait un vecteur d'ouverture et de curiosité pour l'esprit, comme en témoignent les artistes avant-gardistes qui, d'une certaine façon,"surpassent" leurs contemporains. Aimés ou critiqués, ils transmettent un dynamisme, poussent à stimuler les ressources personnelles, ouvrent de nouvelles perspectives, parfois l'espérance d'un monde meilleur, source d'optimisme.
L'accès à l'art est donc à la fois ouverture aux autres, à la culture, possibilité de "partir ailleurs", de créer autre chose, à condition qu'il comporte une "appropriation" de ce qui est transmis et ne se limite pas à l'accumulation de quelques connaissances en la matière. Il est éducation à la perception, fait voir ce que nous ne voyions pas (ex. le reflet de la lumière sur une goutte d'eau...), menés par les habitudes de la vie courante.

Intuitif, le sens artistique appelle à la réflexion et n'exclut pas la raison. Les enseignants incitent les enfants à réfléchir sur leurs travaux, à les évaluer, à ne pas se contenter de simples reproductions. L'art est aussi un "art vivant"et non pas figé. Certains courants artistiques contemporains, bousculant tous les codes, refusent de mettre la "beauté" au coeur de l'art, favorisent parfois des oeuvres éphémères, comme le montrent les "performances". Le "plaisir" peut même être contesté. La dissonance en musique n'est pas agréable à écouter; elle exprime pourtant le "désir", appelant quelque chose de plus harmonique ensuite. Les exemples de Wagner et de Malher sont donnés pour la musique classique: cette musique comporte une capacité de "manipuler" l'auditeur, de l'emmener dans un chaos suivi d'une merveilleuse lumière...
N' y-a-t-il pas dans l'art une notion d'équilibre, une harmonie des formes, le nombre d'or en dessin... correspondant à une harmonie de la nature? Le rapport entre chaque note en musique correspond à l'écart entre les planètes...N'est-ce pas cette harmonie qui est source de satisfaction, d'épanouissement personnel?
L'art, toutefois, est-il toujours conforme à l'éducation? Faire partie d'un groupe de musique mène-il à un épanouissement de soi? Non s'il s'agit d'un simple divertissement, voire d'un exutoire. Cette pratique "n'élève pas l'âme". La réflexion associée à la musique qu'on écoute révèle des différences flagrantes: certaines musiques sont capables de réveiller des "instincts primaires" (rires). Certains artistes ont vraiment une réflexion sur l'impact de leur musique. D'autres ne recherchent que le bénéfice financier (certains groupes ont commencé par quelque chose puis se sont tournés vers une production plus audible, plus commerciale). Si certaines musiques sont subversives, d'autres sont juste destinées à produire un certain effet sur l'auditeur. La musique, à cet égard, possède une grande puissance de "manipulation" (certains films sont grandioses grâce à la musique).
La musique peut être "abrutissante". L'art peut donner aussi l'impression de "toucher les bas fonds", mais les sublimer, créer des échanges, une communion entre les personnes. Les jugements de valeur dont il fait l'objet peuvent être relatifs à une idéologie et donc contestés (l'art "dégénéré" des nazis...). Mais l'art ne se réduit à aucun critère de rentabilité ni d'efficacité puisqu'il témoigne de notre imagination créatrice, relève de l'exercice de notre liberté personnelle; développer ces capacités de création, d'expression, de transmission sont bien aussi le but de l'éducation.

Café du 30 mars 2016 : la vie privée est-elle une illusion ?

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Une autre question avait été proposée en lien avec celle qui est ici posée: peut-on tout partager?

Le créateur de Facebook pense que l'humain doit accepter qu'il n'y ait plus de vie privée. Ce qui semble paradoxal car il est introverti voire autiste. Mais est-ce si paradoxal, puisque la relation aux autres sur Facebook se vit seul devant un écran? Il peut rester enfermé dans sa position de communiquant virtuel, continuer à vivre dans sa "bulle".
Quelle est la limite entre la vie publique et la vie privée? Un ordinateur, objet privé, n'est-il pas aussi une ouverture au domaine public? Certaines émissions de télévision veulent donner à voir la vie privée des autres ( "le divan", par exemple, de M.O Fogiel, ou les émissions de télé réalité dont le principe est justement le sacrifice de la vie privée...). Internet n'infiltre-t-il pas la vie privée dans la mesure où il est de plus en plus difficile d'y échapper dans les démarches de la vie courante (carte bleue utilisée pour les achats, sur l'autoroute etc., portables, GPS ...), ce qui permet d'être "espionné" (cookies, tracking). L'exemple est pris d'un test de grossesse acheté dans une grande surface qui est donc au courant de cette démarche (éventuellement avant le conjoint), et envoie une publicité pour des couches. Un nombre incommensurable de connaissances, de données, sont déjà accessibles sur Internet. Tout n'y est-il pas déjà, reste-t-il encore des idées originales? Des milliers de personnes peuvent faire la même recherche (on s'en aperçoit quand on écrit un livre). Des recherches à l' envers permettent, à partir d'une photo par exemple, de constater que nos proches sont déjà référencés...; il n'est pas difficile d'arriver sur le réseau de quelqu'un d'autre... Faudrait-il donc vivre en ermite pour avoir une vie privée?
Quelques personnes refusent encore les portables car elles ne veulent pas être jointes à tout moment, ni même devoir répondre à des messages, être localisées, ce qui expose à la vie publique.

Car, selon son étymologie, la vie privée est "séparée" de la vie publique. C'est le sens du mot latin "privatus", distingué de "publicus". La vie privée suppose un recul par rapport à la vie publique, une liberté de conscience, une possibilité de rester un "particulier". N'est-ce pas cette liberté qui serait finalement illusoire? Car d'où viennent les limites qui séparent la vie publique de la vie privée? Elles dépendent des références sociales et différent selon les groupes, les cultures. Dans notre société, la vie privée implique, outre la liberté de conscience et la liberté de pensée, le droit de s'exprimer, de se déplacer, de se rassembler (ce café philo est -il, d'ailleurs, un rassemblement privé ou public? ). Elle englobe aussi le droit à la propriété privée, le droit d'être laissé seul (notamment par les journalistes dans le cas des personnalités), le respect des sentiments personnels, de la dignité de la personne, de ses intérêts particuliers... Elle peut être liée alors à l'anonymat. La vie sexuelle relève de la vie privée, mais non pas les enfants, déclarés à l'état civil.
Mais ce respect de la vie privée, individuelle, ne se heurte-t-il pas aux lois? Contrôle d' identité dans l'anonymat des villes par exemple, lois sur les revenus, les différents gains - discussion sur le prélèvement des impôts à la source et le respect des informations privées... L'âge de la personne, son état de santé, son intention ou non de déménager etc. font-ils partie de sa vie privée? Aux États Unis, il est interdit de demander l'âge de quelqu'un à l'embauche. Toute personne a le droit à l'oubli, y compris de toutes ses données sur Internet, ce qui est pourtant de plus en plus compliqué sinon impossible. Il n' existe en fait aucune définition légale de la vie privée, qui relève uniquement de la jurisprudence.

Les régimes totalitaires ne laissent aucune place à la vie privée, qui permet justement de se différencier des autres, car il y a toujours des comptes à rendre. Ou plutôt, ces régimes incorporent-ils leurs idées dans la vie privée des individus: ainsi, par exemple, une petite fille qui pensait que Mao était un Dieu, croyait qu'il avait créé la mouche qu'elle voyait. Selon le marxisme, les "Droits de l'homme" sont en réalité des droits bourgeois qu'il faudrait remplacer par les droits sociaux; la vie privée n'est autre que la vie bourgeoise.
La conception de la vie privée évolue avec la société et donc différe selon les générations. La multiplication des écrans ne modifie-t-elle pas la relation entre les individus? Il semble qu'on vive à un moment charnière, comparable à l'apparition de l'imprimerie par exemple, où on "s'embarque" sur autre chose. La lecture numérique tend à s'imposer (même au bac, où les textes sont maintenant proposés sur une clé USB). "Ça démystifie" dit un jeune participant, qui préfère le livre, mais dont l'avis n'est pas majoritaire. L'utilisation du numérique a aussi des raisons financières mais on peut continuer à préfèrer le CD au MP3, par exemple, car le rapport à "l'objet" n'est pas le même. De même, certains préfèrent le retour au vinyle (ex. Alix Cooper). L'album permet d'avoir davantage de liens avec l'artiste, le son n'est pas le même. Ainsi certains restent-ils plus proches de la "matière", considérant que le numérique enlève une âme à ce qu'ils lisent ou écoutent.
D'autres peuvent s' inquiéter d'utiliser des objets dont ils ne maitrisent pas le sens et craignent de ne plus maîtriser leur vie privée. Cette maîtrise n'est-elle pas d'ailleurs illusoire?
Notre vie privée est-elle le reflet de notre société? Chacun se la forge en fonction de ses conditions d'existence et de ses moyens, y compris financiers ( un enfant doué pour le piano peut ne pas accéder à une école, trop chère); cette vie privée est ce qui lui est propre, ce qu'il a mis en place grâce aussi à sa réflexion (c'est le cas pour les participants à ce café philo...)

Partager sa vie privée relèverait d'un acte volontaire, choisi. Elle est violée si on nous impose, ou même propose quelque chose sans qu'on le demande. Problème, par exemple, de l'utilisation des collectes de données: simple marketing ou atteinte à la vie privée? Face à cette incitation à consommer, nous pouvons répondre oui ou non, si on "reste droit dans ses bottes". Mais ce choix n'est-il pas une illusion? Cette proposition touche à nos propres faiblesses, nous expose peut être à des risques (surendettement ...). Ne s'agit-il pas en fait d'une manipulation mentale qui nous fait croire à une fausse liberté, à une illusion de choix? Gardons nous une réelle autonomie ou bien sommes-nous en fait déterminés, jusque dans nos "choix", par les pouvoirs économiques et financiers qui proposent voire imposent nos produits de consommation? Il est très difficile de se soustraire à cette pression de la société, qui marginalise ceux qui lui résistent.

Là se situe précisément l'illusion: elle est d'abord subie et subsiste alors même que nous en prenons conscience. Le soleil qui tourne autour de la Terre immobile, le bâton qu'on voit brisé s'il est plongé dans l'eau, les mirages etc. sont des exemples bien connus. Nous sommes trompés par des apparences, par des images que nous prenons pour la réalité.
Platon déjà dénonçait l'illusion, et c'est le sens de sa démarche philosophique. Ce que nous percevons n'est en fait que l'ombre de la réalité. Il nous faut comprendre ce que sont réellement ces "choses" dont nous ne voyons que les ombres, et par quelle lumière ces ombres sont projetées. Voir l' allégorie de la caverne ( livre 7 de "La République" de Platon). La liberté de penser reste une illusion si nous ne cherchons pas à aller, toujours, au delà des ombres par le questionnement, par l'esprit critique, car les faux savoirs (croire savoir alors qu'on ne sait pas), les idées reçues, les préjugés (réponses toute faites là où on ne s'est pas posé de question) sont omniprésents. La physique quantique affirme, pour sa part, que nous ne voyons que l'hologramme de la réalité, constituée d'énergie.
Ainsi serions-nous le jouet d' illusions, conformément au sens étymologique du mot puisque "ludo"en latin signifie "jouer", "se jouer". Il n'en reste pas moins que nous pouvons reconnaître nos illusions et donc tenter de nous en soustraire. La vie privée est alors d'autant plus riche qu'elle est plus réfléchie, plus raisonnée, qu'elle découvre d'autres libertés. Fruit de nos lectures, de notre vie sociale etc., elle est multiple: intime, personnelle, spirituelle, "jardin secret" ou partagée dans un cercle d'amis.
Paradoxalement des personnes endoctrinées, entrées par exemple dans des sectes, dépossédées de leur vie privée, se croient libres et se sentent plus fortes car on leur a donné une carapace. L' infiltration mentale des principes qui les guident s'est faite de façon cachée, à la manière d'un cheval de Troie. Ce qui n'est pas le cas pour le choix d'une religion, le christianisme par exemple, qui laisse place à des interprétations différentes des mêmes faits, la foi étant une réponse personnelle à une parole transmise par des textes, par des institutions, par l' éducation..., ce qui n'exclut ni l'esprit critique ni le doute.
La religion relève-t-elle de la vie privée? Références aux lois sur le port de signes religieux: croix, voile...
La vie publique, pourtant, est ponctuée de références religieuses qui entrent dans la vie privée: le calendrier est basé sur la vie de Jésus Christ (nous sommes en 2016 après J.C.), les week-ends de Pâques (la Pâque juive ne figure pas dans notre calendrier), de la Pentecôte par exemple, sont aussi des événements de notre vie privée. Devrait-on suivre toutes les fêtes religieuses? Ce serait impossible. Devrait-on supprimer toutes les fêtes religieuses de notre calendrier? La religion serait-elle alors seulement, vraiment intégrée à la vie privée? Mais les fêtes de notre calendrier sont des points de repère issus de notre culture: christianisation de fêtes païennes, qui perdent dans notre société leur sens religieux pour un grand nombre et se paganisent (le Père Noël, les chocolats de Pâques..., retour des "marchands du temple"). Ces repères nécessaires ne portent pas atteinte à notre vie privée si on en dispose librement, selon notre choix. Le respect de la sphère privée permet de suivre le culte religieux qu'on veut, ou de ne pas en suivre, la seule limite de l'espace privé étant de ne pas être gêné par les autres et de ne pas gêner les autres.

Les émotions ne sont-elles pas un élément de notre vie privée qu'il est impossible de transmettre aux autres et de partager, même lorsque nous sommes à proximité d'une personne? Être ému par quelqu'un qui pleure par exemple, pleurer avec lui, signifie-t-il bien que nous ressentons la même chose que lui? Les émotions différent selon le vécu de chacun (exemple de la perte des grands parents, selon qu'on a nous-mêmes connu ou non nos grands parents). Pouvons-nous donc être certains que nous partageons nos émotions? Ce serait possible grâce à une perception interne, qui se développe avec l' expérience.
Les phéronomes, molécules envoyées par l'animal vers son environnement extérieur, provoquent des comportements spécifiques chez ses congénères, et sont ressentis différemment selon les récepteurs.
Contrairement aux animaux l'homme utilise sa raison qui rentre donc en ligne de compte. Mais n'est-ce pas une illusion? Le choix de la personne aimée pourrait être illusoire, les phénomènes chimiques étant les plus forts; ( les histoires d'amour sont parfois sources de désillusions, rires.) Mais il est difficile de réduire notre intériorité à de simples interactions chimiques; elle est propre à chacun de nous et se situe à plusieurs niveaux.
La richesse de cette vie intérieure, (la culture, l'imagination, la foi...) est ce qui permet à la personne de mieux résister aux atteintes que la société peut porter à la vie privée. Voir "Le coeur conscient" de Bruno Bettelheim", le film" La vie est belle".
Dans le camp d' Auschwitz, des survivants, formatés, ont refusé de sortir du camp de peur de ne pas pouvoir retrouver une vie "normale" après; ils étaient détruits. La vie privée est détruite lorsque tous les barrages ont cédé, lorsque la personne est dénaturée, est amenée hors d'elle-même, hors de sa voie, ce qui provoque une prise de conscience très douloureuse.
Exemples : le bourreau et la victime, "La jeune fille et la mort" de Roman Polanski, qui garde son intégrité intérieure malgré sa destruction corporelle.
Selon le "syndrome de Stockholm", la victime s'attache à son bourreau, pour garder une vie intérieure.
Différence entre vivre et survivre; difficultés pour les "gueules cassées" de raconter un vécu trop douloureux, qui de plus dérangeaient les autres, qui avaient envie de vivre, de se détourner de la guerre.

Si la vie privée ne se réduit pas à être la simple émanation de la vie publique, elle a néanmoins besoin d'un groupe, d'un modèle, d' une reconnaissance pour se développer et se sécuriser. Le conflit intervient si le regard de l'extérieur est trop intrusif. La famille est déjà une cellule représentative de la vie publique (exemple de l'enfant qui pose une affiche sur la porte de sa chambre pour préserver sa vie privée). Mais on peut sortir d'un groupe jugé trop restreint et faire d'autres choix (le "mouton noir" qui veut se différencier, comme Onfray issu du milieu agricole). Rôle de l'école (théoriquement) dans cette possibilité de réalisation de soi, sans stigmatisation des milieux "défavorisés".
Les personnes des "milieux défavorisés" auraient-elles une vie privée moins intéressante parce qu' elles manquent de confort, de nourriture, de culture...? Exemple des enfants des bidonvilles: n'ont-ils pas des jeux créatifs, moins "abrutissants" peut-être que de longs séjours devant la télé? Un orchestre, dans un bidonville, a été constitué avec des instruments faits d'objets de récupération. Être rejeté socialement n'est pas incompatible avec une vie intérieure riche.
La vie privée n' est pas totalement dépendante de la réussite sociale. "On ne décide pas des conditions dans lesquelles on naît, mais on decide d'en faire quelque chose". Alain. Certaines formes d'éducation, pourtant, permettent à des enfants d' épanouir leur vie intérieure là où d'autres les auraient simplement considérés comme déficients. Exemple de F. Dolto.

Issue à la fois de la libre volonté et des échanges de l'individu avec la société, la vie privée n'évolue qu'en interaction avec les autres. Il y a sans doute des illusions utiles à la vie (on ne pourrait pas vivre en sentant la Terre tourner). Mais nous avons la responsabilité de ne pas "nous faire des illusions", en écartant, pour des raisons affectives, ce que nous ne voulons pas voir. Nos rencontres reflètent notre intériorité, le monde que nous percevons est notre représentation, avec aussi notre part d'ombre. Agir à l'extérieur suppose d'abord qu'on agisse à l'intérieur de soi. D'où l'exigence du "retour sur soi" car ce qui nous est le plus intime nous est aussi le plus difficile à connaître, car trop proche (on ne voit pas ce qui est trop proche de nos yeux).
Comparaison avec un zoom pour situer finalement notre vie privée dans l'ensemble de notre environnement extérieur.
Savoir finalement qui nous sommes, c'est à dire construire notre vie en connaissance de cause, et ne pas être dans une illusion de liberté, est la démarche du "connais-toi toi-même" de Socrate.

Café du 16 mars 2016 : la culture sépare-t-elle les hommes ?

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Synthèse du café philo du 16 mars à l en
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Au premier abord, la culture serait destinée à une élite, d'où une scission entre ceux qui , par exemple, comprennent ou non une oeuvre d'art, ceux qui dans un groupe connaissent ou non tel philosophe (comme Hannah Harendt). Un clivage peut ainsi se créer entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, les ignorants.

La langue apparaît aussi comme un barrage entre les hommes qui, toutefois, s' estomperait maintenant grâce au développement de l'anglais devenu une sorte de langue internationale. Des langues différentes pourtant ne sont pas seulement des façons différentes de dire les mêmes choses; elles constituent aussi des formes de pensées différentes (on pense avec des mots), des conceptions différentes du monde, des découpages différents de la réalité selon parfois le mode de vie, le climat (de nombreux mots peuvent être utilisés autour de la pluie, ou la glace...selon les pays). D'où la difficulté des traductions, pourtant toujours possibles (sinon, certaines pensées nous seraient totalement "étrangères").

La musique n'est-elle pas un langage universel, ou l'art en général? Mais il suppose malgré tout pour être apprécié une certaine "culture". Selon le contexte, certains objets paraissent magnifiques ( musée d'art africain ou aztèque... ) et pas nécessairement d'autres. La séparation dépend du regard qu 'on porte en amont. 

Tout en parlant la même langue, des personnes peuvent ne pas se comprendre parce qu'elles appartiennent à des "cultures" différentes. L'exemple est pris de la différence qui existe déjà entre les gens du Nord de la Manche et ceux du Sud Manche (rires). Il existe une culture professionnelle qui façonne une façon d'être, par exemple celle des agriculteurs, ou des pêcheurs (certains corps de métiers utilisent des objets, comme des couteaux, qui les caractérisent, témoignent de leur identité ). Les "ressentis" n'étant pas les mêmes, la culture amène à des coutumes et des comportements différents.

 

Tous les hommes n'ont-ils pas une culture? Au sens sociologique du terme, tout homme appartient à une société qui transmet son mode de vie, ses coutumes, ses valeurs etc. par l'imitation (mimétisme) et par l'éducation. La seule observation des parents produit une imprégnation culturelle. Même l'ignorant a un bagage acquis qui se mêle aux données biologiques et à la "nature" humaine, innée. Ce pourrait être aussi une sorte d'inconscient collectif.

Le mot "culture" se référe à la culture de la terre, l 'agriculture, qui travaille le sol pour produire de meilleures récoltes. Il s'agit aussi de "cultiver" l'esprit pour le former et assurer le bon développement de la personnalité individuelle; il ne suffit pas d'accumuler des savoirs. ("La culture est ce qui reste quand on a tout oublié".) Être inculte renvoie à la notion de friche ou de brute. Dans les deux cas (la terre ou l'esprit), des particularités distinguent et caractérisent les cultures (agro écologie par exemple, personnes qui cultivent le patois...) A partir de quand ces différences deviennent-elles gênantes?

La culture permet à chacun de se retrouver dans son univers personnel. Un changement de culture peut déstabiliser. Mais parvient-on à échanger d'une culture à l'autre? De même, chacun a une identité; est-il alors séparé des autres? L'identité se référe à la région, au langage, à l'art, à la religion etc. C'est ce qui nous distingue et nous différencie. Mais s'agit-il d'une simple séparation, où plus, d'un rejet?

 

L'ignorance de la culture de l'autre pousse souvent à la rejeter puisqu'on ne comprend pas ses manières de penser ou d'agir; ce qui n'est pas notre façon de faire, ce qui n'est pas ce qu'on aime, est implicitement rejeté. N'est-ce pas parce que personne ne nous l'a expliqué? 

Exemple à Nîmes d'une soirée de corrida qui prend sens lorsque quelqu'un explique au participant, finalement intéressé, les différents rituels mis en oeuvre. Non informés, non éduqués, nous ignorons et rejetons la culture de l'autre. Cette ignorance ou méconnaissance peut aller jusqu'à créer d'énormes antagonismes. Elle peut aussi, parfois, provoquer un élan, une envie de découvrir. 

Une culture n'est-elle pas d'autant plus "civilisée" qu'elle est capable d'accepter le pluralisme des cultures? L'enseignement ne devrait-il pas introduire un pluriculturalisme au lieu de se limiter à une vision de la connaissance, à une façon de penser? Mais est-il possible de penser comme pense "l'autre" à côté de soi? Les civilisations, en évoluant, essaient d'intégrer d'autres cultures. Peut- être les cultures les plus abondantes seraient-elles plus aptes à accuellir les autres? Une culture "ascétique" aurait-elle plus de mal?

La culture monacale a contribué à façonner notre culture par le défrichage mais aussi par l'éducation et la transmission ( recopiage des manuscrits anciens etc). Combler un manque, se surpasser, se développer matériellement et intellectuellement, sont des besoins ( notion de perfectibilité) qui poussent à recevoir quelque chose des autres et à s'ouvrir à d'autres possibles. D'où un enrichissement lié à l'adaptabilité de l'être humain. "Construire des ponts plutôt que des murs". La culture "civilisée" se distinguerait alors de la culture "tribale". ( Un exemple: manger des hommes cuits est plus barbare que les manger crus). Y-a-t-il alors une hiérarchie des cultures? Certaines sont -elles plus "sauvages" que d'autres? Le cannibalisme n'est pas acceptable selon les "Droits de l'homme". Mais chaque culture n' imagine-t-elle pas son propre idéal, ne se prétend-elle pas universelle? Ou bien le respect de ces "droits de l'homme" universels unifierait-il toutes les cultures? "Notre" culture est-elle bien universelle ou bien n'existe-t-il aucune culture universelle? 

 

Ce qui ce passe en Syrie montre qu'il y a toujours des hommes qui veulent hiérarchiser les cultures. Le but des fondamentalistes est d'asseoir et d'imposer leur façon de voir à toute la planète. A l'époque romaine, les autres peuples étaient menaçants. Les gaulois, une fois dominés, se sont facilement assimilés certainement parce que leur culture se trouvait ainsi enrichie. La culture est évolutive; peut-être progressait-elle vers des valeurs plus humaines, au moins par certains aspects. Car celui qui obtient la victoire militaire n'est pas nécessairement celui qui va imposer sa culture (exemple des Vikings et des Francs). A certaines périodes de l'Histoire (à la Révolution par exemple) certains ont tenté, en vain, de prendre le pas sur les autres et de les assimiler dans une culture unique. Qu'est-ce qui fait qu'une culture finalement  domine et absorbe les autres apports? Quoi qu'il en soit , par ces échanges la culture s'enrichit de l'apport des autres (voir "Le Tiers instruit" de Michel Serres).

Est-il pourtant souhaitable d'unifier la culture humaine, d'assimiler tous les peuples dans une culture unique? Il faut, dit-on souvent, "assimiler" l'autre, que l'autre puisse s'intégrer. Mais n'est-on pas en France trop crispé sur cette question? Les choses se passent plus facilement en Angleterre, semble-t-il. Mieux vaut accepter chacun pour ce qu'il est, sans mettre de dominance.

Paradoxalement, l'uniformisation de la culture sépare les hommes car ils ont peur alors, de perdre leur identité, leur racines et luttent pour les préserver. Si les personnes deviennent anonymes, elles ne sont plus "personne" et il devient plus facile de les détruire. Lorsqu'on se disloque soi-même, qu'on ne sait plus qui on est, alors on se sépare en même temps des autres.

 

Roland Castro, architecte et écrivain, préconise de tout déconstruire pour reconstruire le monde sociétal (par exemple les études de "Sciences po" sont trop archaïques). Nous serions dans un "cul de sac" culturel,  où nous ne pouvons plus envisager autre chose que les Droits de l'homme, la tolérance etc. Nous sommes arrivés aux contradictions du système ou la culture risque de s'autodétruire faute de pouvoir produire de nouvelles façons de penser. Imaginons qu'on mette tous les intellectuels sur une île: ce serait le chaos car faute d'oser faire des choix opérants, les échanges deviennent stériles. Une société ne peut fonctionner que si les individus peuvent se compléter les uns et les autres. 

Car si tout se vaut, selon un relativisme mou admettant la diversité des choix subjectifs, supposés libres, si donc plus rien n'a de réelle valeur, pourquoi en effet ne pas tout détruire? Nous serions aujourd'hui dans cette situation dangereuse d'une totale liberté apparente face à l'utilisation d'outils dont nous ne maîtrisons  pas la culture et dont on ne sait pas, au fond, se servir. D'où les dérives de l'utilisation d' internet et des réseaux sociaux. Exemple de l' usage des pseudonymes, qui font tomber les verrous et permettent d'être "décomplexé"; malveillance de certains messages sur Facebook. Certes, la délation a toujours existé, mais il s'agit là d'utiliser des moyens de communication sans en prendre la responsabilité, sans en assumer les conséquences. Cette culture de l'irresponsabilité rend possible tous les excès et donc l'usage de ces outils peut tout remettre en question (véritable bombe atomique).

Certes ces outils sont-ils utilisés différemment selon l'état d' esprit des personnes: c'est l'homme qui possède l'outil, et pas l'inverse. Mais l'individu, fasciné par l'aspect technique de ces outils, n'en considère plus l'aspect humain. Ces outils sont, de plus, au service de la culture financière, qui contribue aussi à séparer les hommes. 

C'est donc le manque de culture dans l'utilisation de ces nouvelles technologies qui menace de séparer les hommes. Elles exigeraient un recul, une réflexion (comité d'éthique,par ex.), une formation. Notre culture démocratique se prête, par un usage mal maîtrisé de ces outils, à 

l'infiltration d'autres cultures qui les utilisent pour parvenir à leurs propres fins.

 

L'exemple est pris du djiadisme (culture ou utilisation d'une religion à des fins politiques?) qui se répand en partie grâce à internet. L'Islam, plus jeune que le christianisme, ne passe-t-il pas par des étapes semblables? Les différentes cultures chrétiennes ont dû "s' approprier" le christianisme, chacune par exemple se représentant Jésus Christ selon ses propres critères (ex.blond aux yeux bleus, rires). 

Les français sont-ils séparés par le développement de la culture musulmane? La scission n'est-elle pas antérieure à notre époque? La culture majoritaire en France se sent menacée par une culture qui dérange. L'amalgame possible entre Islam et islamisme est source de préjugés.

Qu'en est-il de la tolérance? La culture majoritaire ne se pense-t-elle pas "supérieure" ? Question du néocolonialisme. Exemples du refus du voile islamique, du refus, parfois, de tenir compte de leurs exigences alimentaires... Le voile est pourtant toléré pour les religieuses catholiques. Mais il faut distinguer le cadre religieux et le cadre laïque. Toutefois, la démocratie ne se construit-elle pas autour d'un melting-pot acceptant plusieurs groupes, plusieurs religions, parfois même plusieurs langues, plusieurs monnaies? Exemple de l'Inde ( où subsiste toutefois le problème des castes).

 

Mais la coexistence de plusieurs cultures dans un pays provoque souvent une forme de communautarisme, chaque communauté cherchant à se rassembler et à se protéger. Les français aussi par exemple se regroupent à l'étranger; dans les entreprises les stagiaires se rejoignent... Il est naturel de rechercher ce qu'on connaît, ce qui est proche, familier. Fragilisées, les minorités ont besoin de protection, ce qui ne les empêche pas de se mêler aussi aux autres. La nature humaine comporte à la fois un instinct de protection et un désir de découverte. Cet aller et retour entre les deux, lié à la position de l'être humain, constitue le rapport entre ce qui est inné, invariant, et ce qui est acquis. La nature humaine, constante, est universelle, commune à tous les hommes: nature au sens physique (besoins naturels), ou "métaphysique" (essence de l'homme). En ce sens, c'est elle qui nous rassemble tandis que les cultures, acquises, différentes, nous séparent. Mais il fait partie de la nature humaine de vivre en société, d'appartenir à une culture qui prend en charge ce qui est naturel ( nos besoins physiologiques, psychiques, intellectuels,spirituels...).

L' humain a besoin de partager des valeurs communes et en même temps d'être créatif, d'exercer sa liberté, ce qui suppose un but à atteindre; (exemple des orphelinats russes où des bébés sont morts de non-attention, de non-reconnaissance; syndrome de l'enfant non choyé dont le visage se déforme). On retrouve cette fois encore la pyramide de Maslow, utilisée aussi d'ailleurs dans le cadre thérapeutique et même dans le domaine du marketing.

Certes, les différences de pensée, les conceptions de la réalité basées sur des principes différents, la diversité des cultures, peuvent constituer des barrages entre les hommes. Mais n'est-ce pas aussi cette diversité de cultures, jamais vraiment étrangères les unes aux autres, qui leur permet de se rapprocher et de s'enrichir mutuellement? Ce qui est commun à tous les hommes, c'est aussi la différence. La littérature en est une illustration : à la fois singulière et universelle, lalangue est un héritage à partager, source de sens et de fraternité.

Café du 2 mars 2016 : l'individu et le groupe

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Synthèse du CAFÉ PHILO du 2 mars 2016 à
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Un rappel est fait de la conclusion du précédent café philo: notre liberté individuelle semble freinée par la société qui dénature notre projet initial lorsque nous nous engageons, nous opposant la complexité des choses et nous faisant donc ressentir notre impuissance. Alexis de Tocqueville avait pressenti ce danger de la démocratie moderne d'imposer un "despotisme doux", bienveillant, où un "pouvoir immense et tutélaire" se charge seul de veiller sur le sort des individus. "Il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie, les dirige;...il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse;...il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébéte...(distribution d'un extrait de "De la démocratie en Amérique" à ce sujet).

 

D'autre part, un récent article paru dans "Ouest-France"(dimanche 28 février 2016) rejoint ce point de vue. Intitulé "Ils veulent remettre l'espoir dans le débat public", cet article annonce la parution d'un livre de Monique Atlan et Roger-Pol Droit: "L'espoir a-t-il un avenir?" Il s'agit de réarticuler les initiatives et projets individuels et la construction d'un projet politique. L'espoir, certes, implique une prise de risque (déception), mais c'est la dignité humaine qui est en jeu (distribution de cet article).

 

Un individu peut vouloir défendre un groupe. Mais le groupe est-il prêt à défendre un individu? Il lui impose vite des limites. Si l'individu n'obéit pas, il est rejeté; exemple de l'armée. Le soldat a une raison d'être pour le goupe mais le but du groupe n'est pas la valorisation de l'individu.

Si le groupe est structuré par une hiérarchie, seul le "chef" peut imposer son point de vue.

 

Existe-t-il des groupes dont le but est la mise en valeur et l'épanouissement de l'individu (et non sa réalisation sociale sous ses différentes formes, comme l'école par exemple)? Ce peut être le cas des communautés religieuses, en dehors de tout prosélytisme. 

Les ermites eux-mêmes gardent toujours un contact avec les autres, comme le montre Alexandra David-Néel (même s'il est seul, il a besoin par exemple que quelqu'un lui donne à boire). L'ermite n' est pas un "sauvage", il se retire pour prendre du recul. La spiritualité s' inclut dans une communauté. 

 

L'humain dépend fondamentalement de l 'existence des autres puisqu'il est obligé, dès le départ, d'être protégé, alimenté, aimé et se construit grâce à l'apprentissage. La famille est en ce sens un groupe "primaire"où on apprend à vivre en intéraction, où s'inscrivent notre appartenance, nos références. Il n'y a pas d'individu sans groupe, sans éducation, sans apprentissage de la parole. La "reconnaissance" suppose l'appartenance à une communauté, même si dans certains pays, comme en Chine, l'individu s'efface au profit du groupe. Seul, de plus, l'individu est fragile (l'union fait la force). Exclu du groupe, de la société, l'individu risque de perdre sa liberté et même son identité (c'est le cas des SDF...). La communication, le lien avec autrui, apparaissent comme une condition de développement personnel, lui sont consubstantiels. Serait-il possible de rester vraiment seul dans la nature? Certains quittent leur groupe pour se rapprocher de groupes d'animaux. Car les animaux eux-mêmes se regroupent autour d'un "leader" qui les protège, et se déchargent ainsi sur lui de ce "stress". Même s'il existe une réelle relation entre les hommes et les animaux, cette relation peut-elle suffire à l'épanouissement de la personne humaine? 

La créativité de l' individu est en rapport avec le groupe qui produit émulation et stimulation: les individus peuvent échanger, acquérir des connaissances, s'enrichir mutuellement et faire avancer les choses puisque l'objectif du groupe dépasse l'intérêt de chacun; le tout ,en effet, est supérieur à la somme des parties qui le constituent. 

Pourquoi les hommes se sont-ils associés? Pour répondre à leurs besoins, réels ou créés? Pour communiquer? Pour se protéger? Pour des raisons religieuses liées au culte des morts (se regrouper autour des sépultures)?

Une hypothèse suppose que l'élaboration du langage est issu des échanges entre l'homo sapiens, plus solitaire, et l'homme de Cro Magnon habitué à chasser en groupe. Le regroupement des individus pourrait être conditionné aussi par les conditions géographiques (on se regrouperait plus à l'est qu'à l'ouest) voire par un potentiel génétique, qui n'est pas figé mais en intéraction avec les autres, avec l'environnement. Les individus sont tous biologiquement différents; c'est ce qui assure leur identité, leur particularité et leur unicité, ce par quoi ils se distinguent des caractères communs. Mais cette identité est due aussi à la réflexion et à la volonté de chacun. Loin de la mettre en danger, l'appartenance à un groupe devrait permettre d'affirmer et de protéger cette identité car on ne peut vivre sans une certaine sérénité (c'est le but par exemple de la création de la communauté européenne pour les États membres). Les contraintes sociales de l 'environnement bousculent mais aussi enrichissent la vie individuelle. A Détroit, par exemple, la fermeture des usines de construction des automobiles a poussé les habitants a réintroduire la campagne en ville par la création de jardins.

Mais si le groupe assure un certain épanouissement personnel, une sécurité, n'est-ce pas toutefois au détriment de la liberté individuelle? Il faudrait distinguer deux formes de groupe: les groupes imposés  ( la famille, l' école...) et les groupes choisis sans obligation comme les associations, les communautés religieuses...ou le café philo. Chacun vient échanger des idées, acquérir des connaissances, cherche à se situer, selon son libre choix et sans rapport de subordination. 

Les groupes peuvent être contractuels ou sans contrat, plus ou moins prégnants. L'exemple d'une équipe sportive montre que l'appartenance au groupe impose à chacun sa "place". Ne peut-on pratiquer un sport sans "s'identifier" à cette place? La "place" peut signifier la compétence dans le groupe, comme dans un groupe musical; si quelqu'un n'est pas "à sa place" le groupe ne fonctionne pas. Savoir prendre sa place ou chercher sa place relève d'une quête d' identité, cette identité étant différente selon les groupes dans lesquels on évolue. Arrive-t-on au bout de son identité à la fin de sa vie? Il s'agit bien d'une construction de soi et non d'une définition prédéterminée, même si chacun a déjà trouvé sa place dans la fratrie à sa naissance, peut posséder une "carte d'identité" etc.

Mais comment l'individu peut-il continuer à adhérer à ce groupe si quelque chose le gêne? Et ce groupe va-t-il garder quelqu'un qui cherche à imposer son individualité? Peut-on "rester soi-même" sans se faire rejeter?

 

D'un côté, les groupes ne tolèrent pas ce qui est subversif. Les communautés renvoient les individus "dangereux", ont du mal à intégrer les personnes qui leur sont trop "étrangères". De l'autre les individus hésitent à imposer des changements, craignant de remettre en cause leur appartenance au groupe et donc leur sécurité. Chacun reste donc sur les préceptes établis. Ainsi quelqu'un peut-il prendre le risque de changer de culture, de région, de travail...? L'être humain se sent perdu s'il perd ses références, ses repères; mais ne reste-t-il pas "étriqué" s'il refuse l'ouverture à l'autre par peur de prendre une autre voix? Sur le plan professionnel, jusqu'où une personne peut-elle se laisser fragiliser par des exigences qui la coupe de ses convictions, se laisser asservir, renoncer à formuler des idées qui ne peuvent être entendues par ceux qui ont plus "d'expérience" (exemple de grandes entreprises)? Si le groupe permet de s'élever, il peut aussi être destructeur. Faut-il lui appartenir au risque de se perdre soi-même? Car on ne vit jamais les choses que par soi-même, à travers ses ressentis,ses expériences... Seuls existent réellement les individus en chair et en os. Les "groupes": le peuple, la nation, l'entreprise etc. ne sont que des abstractions qui peuvent être utilisées pour soumettre les individus. 

C'est ce que dénonçait le mouvement anarchiste qui n'est pas, au sens propre, le désordre mais "l'ordre naturel des choses". Car les individus sont capables de s'organiser entre eux, de s'entendre pour le bien commun puisqu'ils sont doués de raison. Le désordre vient de ce qu'on cherche à leur imposer un ordre de l'extérieur, de façon hiérarchique. Ni Dieu ni Maître. Mais il faudrait, pour que de petites sociétés anarchistes subsistent, que toute la Terre accepte ce fonctionnement. Sinon, de puissants peuples voisins viennent les dominer et les soumettre. La volonté de domination est aussi ce qui explique la soumission forcée des individus au groupe. En ce sens, la notion d'individu est souvent opposée à la société, à l'Etat.

 

C'est pourquoi les anarchistes, mais aussi les socialistes marxistes s'opposent à l'Etat et veulent le renverser. Mais contrairement à l'anarchisme, le socialisme prône la primauté de la société, du groupe social, sur l'individu; les droits de l'homme sont alors les droits sociaux et non ceux de l'individu bourgeois. L'expérience, toutefois, a montré que dans les faits, "le plus fort" maintient sa domination, loin d'instaurer une égalité sociale. C'est la force de la démocratie de vouloir, justement, remédier à cet arbitraire en prônant le pouvoir du peuple. Ce qui n'exclut pas mais au contraire exige des règles, des lois, afin que chacun puisse s'épanouir. C'est le cas même dans la nature en ce qui concerne la biodiversité: le jardinier ne peut laisser pousser les mauvaises herbes que par moments...

 

Non soumis, l'individu peut permettre au groupe d'innover, de se renouveler grâce à sa prise d'initiatives. Sa liberté lui permet d'être créatif, comme on l'attend de lui, d'introduire une originalité car la personne est en elle-même créative. La liberté suppose d'appartenir à un groupe, à condition qu'il ne soit pas aliénant, c'est à dire qu' il ne détourne pas, n'écrase pas les libertés individuelles susceptibles de déranger le système. C'est le cas parfois dans le monde du travail, notamment lorsqu'il est lié au monde financier, capable de broyer l'individu au travail, ce qui a pu être appelé la "démocratictature".

 

Liberté ou sécurité? C'est la question sans cesse posée. Perdre un emploi stable, quitter un groupe, perdre sa "place"? L'individu est alors déstabilisé, se remet en question par rapport aux choix, aux repères des autres membres du groupe. Peut-être provoque-t-il ainsi de la jalousie car il renvoie aux autres, comme en miroir, ce qu'ils voudraient faire ou ne pas faire. Il a pu passer d'une plainte à une réflexion sur son statut de victime, et de cette réflexion à l'action. Démissionner, perdre sa "place", apparait comme une perte de crédibilité. Mais cette liberté de changer, cette prise de risque aboutit aussi à une nouvelle sécurité ...

Est-il bien nécessaire d'avoir à se trouver une "place", sachant qu'elle expose à bon nombre de désillusions?

Il est possible de s'impliquer dans d'autres domaines ( famille, loisirs...), le travail devenant alors "alimentaire".

La question est finalement de savoir comment on se trahit le moins soi-même. Référence à "la légende personnelle" (L'alchimiste, de Paulo Coelho). Insatisfait de son village, ce villageois part à l'aventure, s'ouvre à l'extérieur, fait des rencontres... Revenu, il se rend compte que le mieux est chez lui, sa famille, son univers. Car il est nécessaire de revenir en soi pour tirer profit de la rencontre avec les autres, de se concentrer sur soi.

 

Un individu n'est pas défini par un groupe auquel il appartient. Il peut, en démocratie, en sortir. A-t-on forcément sa "place" quelque part? Sans doute, mais elle n'est pas immuable, figée. Certes, le citoyen appartient à une cité, mais cette appartenance n'englobe pas son identité particulière. Il reste libre de s'engager ou de se désengager. C'est pourquoi la démocratie lutte contre le "communautarisme" qui enfermerait l'individu en l'identifiant à ce groupe ( par toutes sortes de prosélytisme qui culpabilisent un individu s'autorisant à quitter ce groupe). L'idéal démocratique reste que les conditions sociales et politiques favorisent la libre construction de chaque identité individuelle.

Café du 27 janvier 2016 : peut-on encore prendre des risques pour défendre une cause ?

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CAFÉ PHILO du mercredi 27 janvier 2016 à
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D'emblée l'exemple a été pris d' E. Zola, prenant position pour Dreyfus dans "J'accuse" au détriment peut-être de sa carrière, de son entrée à l'Académie Française etc. Qui aujourd'hui est prêt à se "sacrifier" pour les autres, à défendre une cause gratuitement? Son efficacité dépendait aussi de sa notoriété, du pouvoir qu'il pouvait exercer sur le peuple. 

Michel Onfray est cité, publiant à l'étranger un essai critique sur l'Islam car, dit-il, aucun débat serein n'est plus possible en France sur ce sujet. Ne se victimise-t-il pas lui-même toutefois? 

Faut-il vraiment être suffisamment "connu" pour défendre une cause? Faut-il pour être efficace avoir un pouvoir notamment médiatique à notre époque? Ce clivage entre les personnes selon qu'elles jouissent ou non de cette notoriété paraît dérangeant. 

Des résistants, par exemple, se sont positionnés au péril de leur vie. Certains sont contraints de quitter leur pays pour défendre une cause, celle de liberté( ex.de guerre d' Espagne ). Chacun, dans ces conditions prend le risque de choisir son propre positionnement, de partir ou de rester... Dans un grand nombre de pays, des opposants au régime politique sont en prison.

Tout engagement au service d'une cause comporte-t-il une prise de risque gratuite pour les autres? Les militaires par exemple défendent une cause; mais ne s' agit-il pas, plus que d'une prise de risque, d'un engagemet personnel qu'ils se doivent d'assumer jusqu'au bout? La réponse à certaines vocations constitue en même temps qu'un "sacrifice" la condition de la réalisation de soi ou d'un épanouissement personnel. C'est le cas , par exemple,  de l'abbé Pierre, de mère Térésa ou même de Coluche instaurant les "restos du coeur". Certains métiers engagent à prendre des risques mesurés, factuels; la pratique de sports extrêmes comporte une prise de risque. Mais ne faut-il pas distinguer "risquer sa vie" et "prendre des risques"? 

Les actions individuelles, ordinaires, ne peuvent-elles pas, d'autre part, faire "boules de neige"? Les associations jouent un rôle dans la société. Le SEL par exemple, permet de s'engager autrement en construisant des systèmes d'échange qui s'étendent grâce à des réseaux et des groupes devenant plus institutionnels.

Dès lors, est-il bien utile de prendre des risques? Cela en vaut-il vraiment la peine et n'est-il pas plus utile finalement de se préserver et d'agir autrement? Alors, de quels risques, de quelles causes est-il question?

Y-a-t-il de bonnes causes et de mauvaises causes? Peut-on comprendre qu'on risque sa vie pour Daesh? Cet engagement fondé pour nous sur l'injustice et la haine bouscule nos valeurs. Mais s'agit-il vraiment d'une cause à défendre ou d'un embrigadement au service d'un pouvoir?

La liberté de défendre une cause politique semble compromise par l'idée que nos choix "libres" sont en fait "récupérés", notamment par une culpabilisation imposant d'emblée la "bonne" position; ce qui contribue à la "décrédibilisation" de la vie politique. 

Selon la chanson de Guy Béart: "le premier qui dit la vérité doit être exécuté"; car il bouscule la pensée imposée, dérange l'ordre établi.

Ce fût le cas du premier philosophe, Socrate, accusé entre autres de "corrompre la jeunesse" parce qu'il "dialoguait" sur la place publique pour démasquer les faux savoirs , remettre en question les préjugés et inciter ainsi à la réflexion, mettant parfois en difficulté ceux qui se reposaient sur leurs certitudes et sur leurs pouvoirs. Condamné à mort, Socrate refusa de s'évader et préféra boire la ciguë plutôt que de vivre en renonçant à rechercher la vérité, à partager sa réflexion avec ses concitoyens. Depuis plus de 25 siècles , des philosophes tentent de poursuivre cette démarche socratique. 

Quelles sont les causes à défendre? Chacun a une cause qui le touche et qui n'est pas essentielle pour un autre. Ce peut être la politesse, la cause des femmes battues, l'écologie, la famille, l'égalité de l'homme et de la femme, la défense des libertés etc. mais tout combat amène à se faire "étiqueter", ce qui comporte déjà une part de risque.

Prendre des risques? On ne mesure pas nécessairement les conséquences de son engagement. Notre point de vue peut évoluer, être revu. La réflexion risque de provoquer le doute. Certaines valeurs ne sont-elles pas remises en cause? Certes les valeurs doivent être défendues en tant que valeur. Elles ont la légitimité d'être là. Mais leur application reste problématique. L'exemple est pris de nos valeurs "liberté, égalité, fraternité", qui n'empêchent pas que certains "réfugiés" soient dissuadés de venir en France.

La laïcité défend la cause de la liberté publique. Doit-on accepter, par exemple, d'aménager des horaires de piscine compatibles avec certaines valeurs de l'Islam (éviter la mixité)? Laissera-t-on alors un groupe imposer "sa liberté" à tous? Le refus de cet aménagement ne s'exposera-t-il pas, par ailleurs, à l' accusation d'intolérance? S'agit-il alors d'une perversité de la réflexion ou d'une sorte d' "immobilisme" face à ce qu' il est interdit de dire, voire même de penser? 

Car une forme de "dictature de la pensée" est justifiée par un discours sur "la complexité" des choses, telle que nous serions incapables de les comprendre. On se heurte alors au risque que notre engagement n'ait pas de sens, que nous n'aboutirons à rien. On se cogne contre les murs. On dérange.

Exemple du syndicalisme, dont le fonctionnement comporte des obscurités; comparaison avec l'Allemagne où la négociation est davantage privilégiée; exemple aussi de la multiplicité des textes de loi qu'il est très difficile d'affronter; et des institutions, comme l'enseignement ou les hôpitaux, qui préfèrent parfois ne pas reconnaître les problèmes pour "ne pas faire de vagues", ce qui n'est guère compatible avec la défense d'une cause.

 

Sommes-nous dans une société du bien-être entraînant une perte de la conviction ou de la force de faire les choses? L'exigence du "pragmatisme" face au pouvoir de l'économie, de l' efficacité à court terme, laisse-t-elle encore une place à la défense des valeurs? La parole individuelle n'est-elle pas noyée dans le flot, dévalorisée paradoxalement dans notre démocratie? N'apparaît-il pas même présomptueux de croire que nos valeurs sont justes ou vraies? Le relativisme des valeurs n'est guère favorable au risque d'un engagement individuel, à la défense "gratuite" d'une cause. Face à cette crise de l 'universalité des valeurs quelle cause peut-elle encore être défendue? 

Le film "La loi du marché" semble bien illustrer la soumission des individus à ce réseau de règles apparemment faites pour le bien de tous et qui en réalité lamine, amollit leur liberté, voire les rejette et les humilie. Même les causes "de bon sens" (exemples pris dans la vie des communes, la distribution de subventions...) ne sont plus défendues. 

Le risque est donc de se laisser étouffer, de laisser étouffer ses valeurs, d'être enlisé dans une société confortable et conformiste. Risque de ne plus prendre de risques, car il n' y a pas de liberté sans prise de risque y compris dans notre société de bien-être consumériste.

Le pire serait, non de mourir pour une cause, mais de mourir à soi-même en renonçant à ses convictions, ce qui constituerait une perte d'identité. 

Référence au film "Welcome". Pourquoi ne fait-on rien pour la défense de l'"humanité"? 

Sommes-nous saisis de torpeur, notre pensée est-elle anesthésiée?

Référence au "Discours de la méthode" de Descartes, distinguant ceux qui se pensent au-dessus des autres et prennent le pouvoir, de ceux qui n'osent pas s'exprimer et se laissent dominés; à quoi bon se donner la peine de penser? Le "bon sens", pourtant, c'est-à-dire la raison, est "la chose la mieux répartie". Tout le monde en est pourvu.

Que faire pour se réveiller ou se redresser? Ne plus nous sentir "assommés" alors même que nous cherchons à nous informer, à réfléchir?

Les causes à défendre sont multiples (du voisin en difficulté, à l'aide aux migrants...), mais on se sent démuni, impuissant, "coincé", malgré nos sentiments de révolte ou d'indignation. Il semble que la société dénature notre projet initial lorsque nous nous engageons, nous opposant la complexité des choses et donc notre inutilité. 

Cette discussion aboutit à proposer pour la prochaine rencontre de réfléchir au rapport de l'individu et du groupe.

Café du 13 janvier 2016 : le rapport au corps

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C'est un thème souvent abordé dans l'éducation et notamment à l'école. Il s'agit de prendre connaissance de son corps, des organes qui le composent, d'étudier par exemple les fonctions du coeur et en même temps d'apprendre à les "respecter", à en prendre soin, à lui assurer un "bien-être". Le corps est alors considéré d'un point de vue objectif, extérieur, comme le font la physiologie, la biologie ou la médecine. Le sport est aussi mobilisé pour améliorer les compétences. "Se sentir bien dans son corps".
A-t-on des devoirs envers son corps? Il est possible de le massacrer (anorexie, boulimie, alcoolisme...) ou d'en prendre soin; de bien l'entretenir, comme un maison, de "lui donner un âme" ou de le laisser se délabrer. A-t-on le droit de faire n'importe quoi avec son corps? Il faut prendre garde de ne pas culpabiliser les victimes que sont aussi par exemple les alcooliques : certes, leur corps est dégradé par les effets de l'alcool mais ils n'avaient pas au départ l'intention de le détruire. Il n'en reste pas moins que respecter son corps et celui d'autrui est un devoir.
La souffrance du corps a pourtant aussi un sens positif, selon les cultures. Le thème chrétien de la mortification lui donne une dimension spirituelle d'expiation, de dépassement des faiblesses humaines. Etre capable de supporter la douleur (celle due à des vêtements mal adaptés par exemple), sans se plaindre par exemple, apparaît comme moralement bien. Faire souffrir le corps renforce le sentiment d'être bien vivant (Australie). Les Chinois bandaient les pieds des petites filles pour éviter qu'ils grandissent, à des fins esthétiques et sociales. Qu'en est-il, à notre époque, des sportifs de haut niveau, des cyclistes du Tour de France, de la pratique des sports extrêmes (exploit d'un handicapé traversant la Manche à la nage...)? Ce "dépassement" du corps, limité et périssable, a pu être interprété comme domination sur ce corps ou soumission sociale.
Selon les pays, la loi n'autorise pas à faire ce qu'on veut de son corps. L'exemple est pris du changement de sexe pour les personnes qui ont le sentiment de "ne pas être nées dans le bon corps". À la naissance en France l'enfant doit être déclaré féminin ou masculin; la mention "neutre" n'est pas possible comme dans d'autres pays européens. Le choix de la sépulture dépend des lois en vigueur...
Notre rapport au corps est donc tributaire de notre époque, de notre culture, des lois de notre pays, etc. Beaucoup d'humains, dans le monde, n'ont d'ailleurs pas le luxe de réfléchir sur leur corps lorsque les besoins physiologiques primordiaux ne sont pas assouvis (voir la pyramide de Maslow).

Mais il fait distinguer ce rapport au corps comme "objet" dans ses relations avec le monde extérieur, avec la société ... et le rapport au corps comme "sujet", ce que les philosophes appellent le "corps propre", du latin "proprium" (comme dans "l'amour propre") : il s'agit de "mon" corps comme centre de "mon" existence, ce par quoi je suis inséré dans le monde, avec la capacité de percevoir (les cinq sens etc.) et la faculté d'agir. C'est par l'intermédiaire de mon corps que je suis conscient des choses, explique Merleau-Ponty (phénoménologie de la perception); c'est mon point de vue immédiat sur le monde et je ne peux pas avoir un point de vue extérieurn sur ce corps puisque c'est lui qui articule mon "être-au-monde". Je ne peux pas le voir comme un "objet" et donc ce rapport au corps ne peut pas être "objectif". Il est l'ancrage dans ma subjectivité, ce qui détermine ma "situation" dans un point de l'espace et un moment du temps; il définit ainsi ma "finitude". Ce mode d'appartenance à mon corps est tellement intime qu'il ne peut être pensé en terme "d'avoir" mais plutôt "d'appropriation".
Personne ne voit son visage sinon dans un miroir et encore, ne doit-il pas être trop proche de nous. Nous nous "voyons" de l'intérieur, d'où la difficulté, souvent, de se regarder ou de s'entendre soi-même, en vidéo par exemple, car ce point de vue extérieur nous fait perdre nos repères. Narcisse aime contempler son image, reflétée dans l'eau, mais il ne se voit pas lui-même. Se voir "dans le regard de l'autre" reste aussi subjectif puisqu'on ne sait pas comment nous voient les autres.

Sommes-nous propriétaires de ce corps que nous nous "approprions"? S'il est possible d'en faire don à la science, de faire des dons d'organes, de sang... n'est-ce pas qu'il nous appartient? Tout en se sentant propriétaire de son corps, on peut aussi ne pas se sentir prêt à faire don d'une de ses parties, justement parce que ce serait une partie de nous-mêmes qui irait vivre dans quelqu'un d'autre (ce qu'on a le droit maintenant de refuser, mais qui se fait sinon automantiquement en cas d'accident par exemple). Une partie de notre "pensée" partirait-elle avec notre corps? Et est-il si simple de vivre avec le coeur ou avec la main d'un autre? Combien de pièces pourrions-nous changer ainsi tout en restant nous-mêmes? Y-a-t-il une limite?
Nous exerçons une responsabilité face à ce corps qui nous "appartient". Nous devons le soigner, le contrôler, l'empêcher de se détraquer, combattre même le vieillissement, donner aux autres une "bonne image de soi", cesser de subir notre condition mais au contraire l'assumer, pour ne pas en souffrir et atteindre un équilibre. Les exemples d'Alice Sapritch et Michel Simon ont été pris car ils sont totalement parvenus, comme acteurs, à accepter leur physique, ce qui semble être finalement plutôt difficile dans la vie courante. L'acceptation de soi doit prendre en compte aussi les critères sociaux de son époque. Nous "appartenons" à notre société, peut-être même à la nation, comme le militaire légionnaire.
Selon les droits de l'Homme, le corps humain et ses organes ne sont pas des objets dont nous pourrions devenir propriétaires; il ne peuvent faire l'objet d'un commerce ce qui serait contraire à la dignité de la personne humaine (abolition de l'esclavage, problème de la prostitution...) Ils ne constituent pas non plus des aliments possibles (bien que le cas se soit présenté exceptionnellement). Selon certaines croyances pourtant, manger un élément du corps humain permet de "se l'assimiler". Le missionnaire jésuite saint Jean de Brébeuf (né à Condé-sur-Vire), avait fait preuve d'un grand courage lors de sa persécution au Canada. Ses persécuteurs ont absorbé son coeur pensant ainsi acquérir ce courage. Certains cas de cannibalisme trouvent ainsi une explication. ( Cas de cet asiatique qui a mangé sa fiancée pour l'assimiler à lui, la posséder). Le roman "Le parfum" de Suskind, adapté à l'écran, présente un personnage "Grenouille", doué pour reconnaître les odeurs et créant un parfum extraordinaire dont le support est la peau de la femme, d'où la nécessité de crimes pour obtenir ce parfum. Les gens aiment ce parfum au point qu'ils le dévorent. 

Le corps humain est un élément de la nature, qui peut aussi l'assimiler. Les végétaux sont considérés comme la transformation du corps de nos ancêtres, selon certaines croyances. 

Le corps abrite-t-il l'âme? Qui est ce "je" qui prend soin de ce corps, qui se l'appropprie? Est -on "quelque chose " en dehors de son corps? Sommes-nous ce corps ou avons-nous un corps? 

Le corps, parfois "nous" impose quelque chose, nous domine, ne fait pas ce que nous attendons de lui. Il nous rend dépendant des éléments matériels ( l'eau, l'air...), nous sommes le jouet de nos hormones, de nos gènes etc. et cette domination ne peut être oubliée. Le temps nous impose des transformations physiques et la vie a pu apparaître comme une succession de deuils: deuil de son enfance, de son adolescence, de sa jeunesse, de sa fécondité...
Pourtant, il y a bien une continuité de notre vie, les souvenirs, par exemple, demeurent dans l'esprit et cohabitent, sans frontières. La personne est toujours la "même" à travers les changements dus au temps, qu'elle soit ou non nostalgique de son passé. Cette permanence de la personne semble ne pas situer le corps et l'esprit dans le même temps.
La pensée a, elle aussi, un impact sur le corps. Un choc émotionnel, par exemple, a des répercussions physiques ( réactions de la peau,cheveux blancs...). Nous pouvons choisir ce que nous voulons faire de ce corps, apprendre à l'"utiliser" (chant, danse, maintien, expression corporelle...). N' attacher d' importance qu'à son apparence extérieure est encore un choix de cette pensée ou conscience. 
Comme il est dit dans" Le Petit Prince", le corps ne pourrait-il être qu'une vieille écorce abandonnée, avec toutefois à l'intérieur une pensée, un intellect? Pour l'être humain le corps et l'esprit semblent indissolublement liés. Descartes distinguait le corps, matériel, et l'esprit, immatériel. Il existe, selon lui, des êtres uniquement matériels comme la nature, les animaux...et des êtres uniquement spirituels comme Dieu,     les "anges"... Seul l'être humain est l'union de ces deux "substances" d'où sa situation parfois inconfortable, tiraillé entre les aspirations de son corps, limité dans l'espace/temps et celles de son esprit.

L 'union du corps et de l'esprit suppose-t-elle l'existence de deux "substances" distinctes, l'âme, immatérielle, immortelle et le corps, matériel, périssable?
Freud, "matérialiste", athée, admettait pourtant l'existence d'une vie psychique distincte de la vie organique. Vie psychique, consciente et inconsciente, qui n'est pas seulement déterminée par le fonctionnement du cerveau, irréductible donc à une "soupe" organisée uniquement par les phénomènes électriques et chimiques de notre cerveau, comme le pensent certains matérialistes contemporains. 
Nous ne sommes que notre corps, affirme Onfray. Chaque cellule est attirée par ce qui lui est bénéfique et fuit ce qui lui est nuisible. Il n'est pas nécessaire d'imaginer autre chose, un autre plan de réalité. Ce qui, 
selon lui, ne remet pas en cause la conscience. Être ému par la musique, par exemple, peut-il toutefois se réduire à une réaction corporelle? La pensée n'a-t-elle pas une dimension plus large?

  La science ne connaît que 10% de ce qu'on est, la physique ne connaît que 5% de la matière... Il reste donc beaucoup d'inconnu. La physique quantique montre qu 'il y a des mystères de fonctionnement, liés à des particules subtiles, à des phénomènes de vibrations. Notre être semble être à la croisée de ces phénomènes, beaucoup plus complexes que ce qui est donné à voir. La physique traditionnelle donne à voir l'extériorité, alors que l'infiniment petit, les "particules de Dieu", ouvrent à une autre réalité, à des dimensions qui se croisent. Darwin déjà dans son domaine avait mis en lien une multitude d'informations, montrant l'extrême complexité de ce qui constitue l' être humain. 
Il n'y a pas de gènes de la conscience. Mais l' homme se pose des questions sur lui même. Par cette conscience d'être, il ne se réduit jamais, justement, à ce qu' il "est" puisqu'il a toujours ce décalage de la pensée sur lui -même, comme l' explique Sartre ( exemple du garçon de café qui joue son rôle mais n'"est" pas un garçon de café ). Je ne me limite donc pas à ce que j'ai conscience d'"être" ni à ce que les autres voient ou pensent de moi.
Le rêve, par ailleurs, n' introduirait-il pas à un autre regard, non scientifique, sur soi? Il arrive parfois que nous désirions retourner dans un rêve. 
Les liens entre le corps et la pensée, leurs interactions, se constatent dans de multiples expériences. Qu'en est-il toutefois au moment de la mort? La conscience survit-elle à la mort des organes? Y -a-t-il nécessairement un lien entre la mort et la mauvaise santé du corps? Certains animaux ne semblent-ils pas "mourir en bonne santé"? 
Des yogi peuvent décider de quitter définitivement leur corps alors même qu'il n'est pas malade. Se pose la question de la réincarnation...
Les expériences de "mort approchée" décrivent une séparation de la conscience élevée au dessus du corps,  manifestant une activité consciente distincte du fonctionnement corporel... Mais c'est bien notre propre corps qui est alors perçu. La "résurrection des morts" de la tradition chrétienne ne dissocie pas le corps et l'âme : c'est bien chaque personne, corps et âme, qui est appelée à la "vie éternelle". Le corps n'est pas
,comme dans la philosophie platonicienne, la "prison de l' âme". Il doit être "transfiguré" hors des limites spatio-temporelle .

L'homme est un "corps parlant". Il manipule des symboles à la différence des animaux dont le langage sert à communiquer des informations utiles à la vie. Le langage nous situe donc au -delà du corps dans la pensée abstraite. Mais le rapport au corps passe aussi par le langage. Au théâtre par exemple, le corps parle; non seulement par la langue mais par l 'expression du visage, les gestes, les attitudes, la façon de s'habiller etc. Les acteurs utilisent l'expression "entrer dans la peau d'un personnage".
La "peau" n'est pas que la partie visible, superficielle, d'une personne. Elle en porte l'histoire, l'empreinte. Certaines expressions le disent: "j'aurai ta peau", "je t'ai dans la peau". Chez les Inuits, ce n'est pas la peau mais le squelette qui porte l' "âme" d'une personne. "Rentrer dans la peau d'un squelette".Desproge.

La peau est aussi une frontière entre l' intérieur et l' extérieur. Mais pas seulement car il y a la dimension du "nous". La peau évoque des limites invisibles entre deux corps, "la dimension cachée", différente selon les cultures. Serrer la main de quelqu'un, par exemple, est-ce abolir la distance avec l'autre, ou manifester à l'origine une défiance, empêcher qu'il nous agresse? Rare en France, l'accolade est plus fréquente en Allemagne. Il peut être mal considéré en Asie de regarder l'autre dans les yeux, de toucher la tête d'un enfant... Ce rapport au corps exprime une relation différente à l'autre, difficilement exprimable par ailleurs. 
Les tatouages se multiplient dans notre société. A quel rapport au corps renvoient-ils? 
Sont-ils une forme de langage dont la peau est le support? Relèvent-ils du "body art" qui fait du corps un objet esthétique, voire une oeuvre d'art? Certains y voient un nouveau rituel. Se faire tatouer un chat par exemple, incite à penser davantage à l'esprit du chat, sorte d' animisme. Ne s'agit-il pas en même temps d'une quête d' identité? D'un besoin peut-être de "marquer" sa peau?